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« MARS 2221, roman » (chap 37 : «Un, deux, trois»)

  1. Un, deux, trois

On poireaute encore plus longtemps que tout à l’heure avant de revoir le minois reptilien.

– *Pardonnez ma lenteur à revenir vers vous mais j’avais besoin de l’aval de ma hiérarchie pour répondre à Lapin. Asseyez-vous, cela risque d’être long.*

– Hem, en fait « lapin » c’est un surn…

– *Tout d’abord soyez persuadés que si n’entraient en jeu des intérêts essentiels à l’équilibre de l’Univers, le Conseil des Pierrots ne verrait aucun inconvénient à ce qu’une entreprise quelle qu’elle soit s’en aille perdre son temps et l’énergie de ses salariés à extraire un minerai omniprésent dans tous les sous-sols d’origine magmatique et – qui plus est – donnant un fer de piètre qualité puisque composé à 55% de soufre. Oui mais voilà…*

Anthéa et moi évitons de justesse une collision de têtes en voulant nous pencher pour mieux entendre. C’est nigaud puisque, vous l’aurez compris, la tortue s’adresse à nous par la pensée. (d’où les astérisques, j’ai pas trouvé mieux) (bonne chance aux réalisateurs de l’audiobook !)

– * …Niché à une petite cinquantaine de kilomètres au cœur d’une planète que les Terreux ont baptisée du nom d’un de ces super héros qui surpeuplent leurs mythologies puériles… Mars, la planète « rouge de colère » !!! Quelle imagination, Grand Pierrot !…*

Balancement accablé de la petite tronche serpentine. On dirait un de ces chiens pendulaires pour plage arrière de bagnole qui hochent la tête avec les mouvements de la route…

– *… Se trouve un des ludomaines les plus prisés chez les composés des Mille Galaxies.*

La tortue prend en compte nos bouches bées et nos yeux comme des œufs au plat.

– * Eh oui, il va falloir vous y faire : « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie ». Hamlet ! Shakespeare ! Un peu cucul la praline mais tout de même moins affligeant que les « Onfray-mieux-de-se-taire », « Beigbeder-à-coudre », « Où-est-le-bec » et autres « BHL-de-poulet » dont les pâtés sonnèrent le glas de l’écriture signifiante. L’aube poisseuse d’un âge de régression intellectuelle qui, aujourd’hui, mène les quelques semblants d’écrivaillons terreux survivants à l’oblitération pure et simple leur alphabet ! *

– Quand je te dis que tu as tes chances, lapin ! Nan, je plaisante !

– *Mais revenons à la question posée. « D’où me vient mon acharnement » ? Eh bien, comme aurait dit le Vieux Marin de Samuel T. Coleridge, je « veille au grain », mes bons amis !*

…la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 36 : « Emmanuel », suite et fin)

résumé : que la lumière soit !

– * Compatissante, j’acceptai d’intervenir. Emmanuel présentait les symptômes classiques d’un TDAH et j’avais mieux pour en venir à bout que toutes les « Ritaline », « Quasym » ou « Concerta » qui, des siècles plus tard, viendraient abrutir plus que guérir les enfants terreux diagnostiqués « hyperactifs » (et soulager leurs parents). Une maladie de Gélineau eût été exagérément sévère, aussi j’optai pour une bonne petite hypersomnie chronique. Elle suffirait à ramener le gamin à un comportement moins agressif. Je lui déclenchai donc sur le champ une attaque de ce trouble bénin, agrémentée pour faire bonne mesure d’une baisse momentanée de tonus musculaire…*

Haussement de sourcils suivi d’un gonflement discrètement expressif de la joue gauche, Anthéa partage mes doutes quant au crédit à apporter aux carnets de voyage de la tortue.

– *C’est alors qu’à ma profonde stupeur – je n’avais JAMAIS, de toute ma carrière, connu un tel fiasco – en réaction à l’intervention censée l’apaiser, la petite teigne s’était mise à redoubler d’une énergie mauvaise, donnant des coups de pied dans les murs, accablant Theophrastus de reproches et d’insultes indignes… «Vieux lozer sans la moindre zuzotte ! Ze suis la seule réussite dans ta pauvre carrière d’alcimiste de seconde zone et au lieu d’admirer ma brillante intellizence et m’encourazer dans mes prozets – car ceci est mon prozeeeeet ! – de sauvetaze du royaume de la Phronce menacé par une populace vicieuze et illettrée, tu prétends me faire soigner ! Grrr ! Z’ai bien envie de vous emmerder zusqu’au bout, toi et tous ces connards… ».*

La tortue secoue la tête.

– *Je revois le regard désemparé de Theophrastus. Je l’entends encore me chuchoter que lorsqu’Emmanuel perdait ainsi la raison, le seul moyen de le calmer était de lui faire inhaler quelques décigrammes d’une poudre à base d’Erythroxylum Coca, une plante rapportée tout récemment d’Amérique du sud par un certain Cristóbal Colón. De fait, ayant goulûment reniflé ladite poudre, le gnome caractériel s’était quelque peu radouci. Ce qui ne l’avait pas empêché, alors qu’il quittait la pièce sans y avoir été autorisé, d’adresser à son créateur navré un signe de la main étrange qui commençait à avoir cours au sein des jeunes générations terreuses. Le majeur seul se dresse hors du poing fermé…*

Le sommeil commence à me gagner. J’en peux plus de toutes ces conneries. Quand soudain eurêka ! Une explication se fait jour. Je crois comprendre pourquoi la tortue nous pompe l’air avec son Pinocchio psychopathe…À l’en croire, Emmanuel est seul, avant Anthéa et moi, à avoir encaissé sans broncher les effets de ses « taquineries ». Emmanuel est un homoncule. Conclusion, nous sommes des homoncules  !

Et pourquoi pas après tout ? À y réfléchir, existe-t-il une différence de nature entre la créature de Paracelse et les homo sapiensis de seconde main que nous sommes ? Issus nous aussi des manipes discutables d’apprentis sorciers en roue libre…

La petite créature va finir par choper un torticolis à secouer la teutê commace.

– * Ainsi Theophrastus aurait finalement récidivé ? Je suis déçue. *

Anthéa qui a elle aussi saisi l’embrouille, juge nécessaire d’intervenir.

Nous n’avons rien à voir avec Paracelse, je vous en donne ma parole. Mon ami et moi sommes des clones. Depuis Dolly-la-brebis la technique du clonage n’a cessé de progresser sur Terra. Le croiriez-vous, lapin ici présent est le clone de lui-même ! Pas son frère jumeau décalé dans le temps comme moi je suis la copie conforme d’une créature originale disparue depuis des lustres. Nan, lapin, ils ont poussé le bouchon jusqu’à lui injecter les données contenues dans son cerveau d’origine ! Lapin, il a 269 ans dans sa tête ! Ça présente pas que des avantages, croyez-moi ! Ni pour lui ni pour son environnement ! Genre il en est encore à la zique acoustique ! Donnez-lui un manche à balai et un morceau de ficelle et hop il vous bricole une… comment t’appelles ce truc déjà, lapin?

– Une guitare. Et tiens, puisque tu me donnes la parole, j’aimerais poser à madame la tortue une question qui me taraude depuis l’instant où – à point nommé, on l’en remercie – elle s’est matérialisée au pied du rail : d’où lui vient son acharnement à s’opposer à l’extraction d’un minerai pourave dont même les décideurs de General Irons veulent plus entendre parler ?

À voir la petite tête couverte d’écailles se réfugier à nouveau sous son abri ambulant, je me demande si j’ai pas commis un impair.

 

… demain chap 37 : « Un, deux, trois »…

« MARS 2221, roman » (chap 36 : « Emmanuel »)

  1. Emmanuel

 – * PARACELSE !!!*

Contrairement aux apparences, la tortue dormait pas. Après un long silence radio la voici qui montre à nouveau le bout de son nez frippé.

– * Philippus Theophrastus Aureolus Bombast von Hohenheim, dit « Paracelse ». Voilà qui ne me rajeunit pas ! Suite à un signalement de l’AIS, j’étais descendue sur Terra recadrer cet « alchimiste », selon la dénomination applicable aux originaux qui, depuis que votre espèce tient sur ses deux pattes, espèrent « transmuter » le plomb en or. Toujours cette fixation incompréhensible, à moins d’aimer les chasses d’eau qui fuient ! Bref, arrivée à Zurich, j’appris que Paracelse avait émigré à Salzbourg. Dommage car je comptais bien me gaver de chocolat suisse. Mon péché mignon ! Le chocolat au lait et aux noisettes. Les puristes ne jurent que par le chocolat noir mais je le digère mal, le chocolat noir.*

Anthéa d’approuver.

– Pareil. Ça me donne des aigreurs d’estomac.

-* Voire des selles liquides. Finalement, les « Salzburger Nockerl » que Theophrastus me servit autour d’une tasse de thé au gingembre étaient un régal des papilles. De plus, lors de notre entretien approfondi, l’homme ne se révéla pas aussi infréquentable qu’on m’avait dit. D’accord pour un médecin il passait plus de temps derrière ses cornues que dans son cabinet de consultation mais ne déclarait-il pas « préférer les sentiers et les routes aux universités où l’on n’apprend rien » ?*

Saine vision des choses !

J’ai pas pu me retenir. Un cri du cœur échappé d’Hippocampe Twist.

– * De plus, dûment questionné, celui qu’on appelait Paracelse me jura ses grands dieux qu’il n’avait recours à l’alchimie qu’aux fins de concocter des potions bénéfiques à ses patients et non en vue d’un quelconque enrichissement personnel. Pour un Terreux l’homme paraissait digne de confiance. Ayant rapidement mis fin aux sautillements nerveux auxquels je l’avais soumis préventivement et au terme d’un fort agréable moment passé en sa compagnie, je m’apprêtais à regagner le Void quand la porte d’un placard à balais s’était brusquement ouverte, projetant sur le sol, au milieu des bassines et des produits de ménage, une sorte de gnome à tête de fouine. « Emmanuel ! Encore à espionner le monde ! Combien de fois faudra-t-il que je me fâche ? ». Theophrastus s’était tourné vers moi et, l’air navré, m’avait expliqué que le petit mal élevé était un homoncule de sa fabrication. « Le premier et le dernier, je vous en fais la promesse ! Soit la qualité de la semence humaine qu’on m’a fournie est en cause, soit j’ai trop forcé sur l’arcanum pour la faire lever. Emmanuel s’avère ingérable ! In-gé-rable !!! Menteur, voleur, masturbateur compulsif, dysphonique… ». Le gnome de s’insurger : « Ze ne çuis pas dysnophique, vieux bouc ! Ze trouve ça plus zoli de parler comme ze parle, c’est bien mon droit, non ? Même que quand ze serai grand, vu que ze serai le sef du monde entier de tout l’univers, z’oblizerai tous les cèlzéceux à parler zoli comme moi ! »*

La tortue est une conteuse redoutable. On se croirait dans un remake burlesque de Pinocchio by Walt Disney. Mais où veut-elle en venir, avec son démiurge amateur débordé par sa création ?

 

nous le saurons demain, même heure, même écran…

« MARS 2221, roman » (chap 35 : « WTF ? », suite et fin)

J’ouvre une courte parenthèse dans ma relecture de « MARS 2221, roman » afin de vous communiquer un avis de recherche émis par la CPI et que fyr.com ne peut que relayer avec force.

 

Parenthèse refermée. Back to Mars, in the year 2221…

résumé : quelque chose chiffonne la tortue.

– *… Vous êtes des Terreux et pourtant vous, « Anthéa », n’êtes pas à vous rouler par terre, en proie à une incoercible crise de rire prodromique … Ni vous là qui me fixez d’un air ahuri, en train de hoqueter à en perdre le sens commun ! Par le Grand Pierrot, il nous faut essayer de trouver une explication à cela !

– Et pas qu’à cela si vous voulez bien ! J’aurai peut-être l’air moins « ahuri » !

Vexé je suis.

– * C’est bon. J’admets vous devoir quelques éclaircissements. Après tout – à moins que cette fois ce soit mon démodulateur qui me joue des tours – vous êtes en possession d’un badge d’accréditation dont j’ai eu l’occasion de vérifier l’authenticité la première fois que ce vieillard au nom exotique s’est risqué jusqu’ici…*

Un badge ? Un nom exotique ? Un vieillard ?

– Endymion ? Endymion Calmann-Lévy ?

– *Oui, c’est cela. « monsieur Calmann-Lévy ». C’est bien ainsi que l’appelait l’infortuné androïde…. Un Terreux pur jus qui, contrairement à vous, n’a jamais opposé la moindre barrière immunitaire à mes taquineries !*

Pensée compatissante pour les éternuements intempestifs de l’adjudant-chef, sa pétomanie soudaine et durable, son syndrome de Gilles de La Tourette et le reste… « Quelques soient les précautions dont je m’entoure, chaque fois que je me pointe là-bas il m’arrive une tuile. »

– *Pas plus que ces bruyants mineurs de fond à qui je me suis vue si souvent contrainte de jouer mes vilains tours ! *

«… leurs gars tombaient malades les uns après les autres, sans qu’on sache exactement pourquoi… »

– *Il fallait bien décourager General Irons de mener plus avant le creusement de ses fichues galeries ! C’était ça ou le classique et ô combien plus meurtrier coup de grisou, auquel je ne pouvais me résoudre. *

Regrets tardifs de ne pas s’être montrée plus ferme ? Agacement d’avoir à s’expliquer devant un public aussi obtus ? La tortue d’Hermann disparaît sous sa carapace.

 

…demain chap 36 : « Emmanuel »…

« MARS 2221, roman » (chap 35 : « WTF ? », suite)

 

 

résumé : entre Anthéa et la tortue ça passe moyen.

– *Bon alors on va se mettre d’accord tout de suite ! Je suis tout sauf « cute »…*

– Et moi tout sauf une « jeune fille ». Mon nom c’est Anthéa.

– *Grand bien vous fasse. Oubliez le mien. Dans l’hypothèse – à vérifier – selon laquelle j’aurais effectivement affaire à deux représentants de l’espèce dite « humaine », vos capacités mentales et votre système audio phonatoire étant ce qu’il sont, vous ne sauriez le concevoir et encore moins le prononcer. Quant à mon apparence physique, je me trouve en butte à une difficulté du même ordre. Mon choix de m’offrir à votre regard sous la forme d’une tortue relève d’une tentative – désespérée, j’en conviens – de contourner la navrante pauvreté de votre référentiel esprit / matière. Le déclic ne se fait pas ? Pas grave ! Maintenant parlons de vous. D’où sortez-vous ?*

– D’après vous ? Vous venez de nous diagnostiquer « humains ».

J’avais clopin-clopiné jusqu’au monorail et validé à mon corps défendant, au pied de celui-ci, la présence d’une tortue . Une tortue dite « d’Hermann ». De celles qui se baladaient antan dans les jardins. Elles avaient disparu au cours des siècles, victimes collatérales de l’urbanisation galopante. Dans ce qui restait de cambrousse, entre yamahistes pétaradants et fils-à-papa ramollos du bulbe sur leurs quads putrides, une poignée de miraculées tentaient de survivre à la gazonnification obsessionnelle des résidences secondaires.

– * Vous confirmez donc qu’il ne s’agit pas d’un dérapage de mon vecteur factoriel ? C’est qu’une ou deux fois l’éon, il lui arrive de déplacer fortuitement une virgule par ci ou, plus gênant, de zapper une composante spatiostatique par là. Donc vous nous arrivez bel et bien de Terra… « Terra- la-Honte »…*

La tortue marque une pause. Un truc la dérange.

…la suite demain…