résumé : Anthéa et le narrateur mettent à exécution leur plan pour se sortir des griffes du chirurgien Poutine.
Le médecin était ok. Ni une ni deux, le chauffeur du sub et son collègue t’avaient choppé la peluche géante – l’un sous les aisselles, l’autre gérait les pattes arrière – et l’avaient hissée dans l’ambulance en faisant gaffe à pas bousculer le matériel de réa. Masque à oxygène, perfusion, l’urgentiste était déjà au boulot. Par contre les G-men savaient plus quoi faire de leurs carcasses. Alors qu’un des brancardiers s’éclipsait deux secondes satisfaire une envie pressante, l’urgentiste leur avait proposé de suivre le mouvement, direction le CSU le plus proche, une poignée de kilomètres en aval. Le chauffeur du sub s’était étonné qu’on retourne pas plutôt à la Résidence. Le médecin avait rétorqué que, non seulement le centre de soins d’urgence était plus près mais, considéré les contrôles interminables à l’entrée du dôme, la patiente serait plus rapidement prise en charge au centre.
– Don’t worry, ils vont les chouchouter, elle et son nounours ! » avait renchéri le brancardier chauffeur, soudain polyglotte, en refermant le hayon sur l’urgentiste et sa patiente avant de courir s’installer au volant de son véhicule.
En dix-neuf ans de Résidence (c’était l’âge qu’elle disait avoir même si je continuais à lui donner moins) Anthéa avait réussi à se brancher avec tout ce que la région comptait de personnages louches. Dealers bien sûr mais aussi pickpockets, voleurs de subs, faussaires, trafiquants de devises, d’armes etc… Aucune racaille en exercice manquait à son carnet d’adresses. On aura compris qu’elle avait négocié 30 000 kreds (avec un certain Ali Brunswick) la présence d’une pseudo ambulance et ses pseudo ambulanciers au péage de l’Interdôme, au jour et à l’heure prévue de son départ pour le Sud Dakota.
Sur ces entrefaites, le second brancardier s’était repointé, ayant mis à profit sa soi-disant envie de pisser pour passer derrière le sub de nos cow-boys et en saboter les relais TBTS à l’aide du micro laser multitâches qui ne quittait jamais sa poche (il s’en servait aussi pour se couper les ongles de pieds sans avoir à se baisser). Il se marrait encore de sa bonne blague quand, cinq minutes après qu’on ait taillé la route, abandonnant son siège à côté du conducteur il avait fait jouer la cloison amovible et était venu nous rejoindre, Anthéa, le faux toubib et moi à l’arrière de l’ambulance. C’était lui, le Ali Brunswick des 30 000 k.
– Les innocents ! Bonne chance pour démarrer leur bécane ! Your attention please, dans deux kilomètres, changement de monture !
À la hauteur du CSU, le conducteur avait fait mine de décélérer puis brusquement relancé le moteur pour s’enfiler dans une galerie annexe, hors de portée des radars. Je venais à peine d’émerger de l’emballage dans lequel j’avais cru plus d’une fois mourir asphyxié quand on avait ralenti de nouveau pour venir se coller au cul d’un gros sub anti G. Sautant à bas de l’ambulance, Ali Brunswick avait pris les commandes de l’engin.
– Attachez vos ceintures ! Cap sur Helsinki, ses grillimakkaras vegan et son astroport ! Le commandant Korbehn n’attend plus que vos charmantes personnes pour décoller !
– Hé, les paravents c’est pas que pour la déco ! Le moral est revenu on dirait ?
– Mon côté amateur d’art ! Je repensais à ce cher Ali… Et à Korbehn ! Il avait pas tort, Lafleur, de le traiter de charognard. 50 000 k le passage, il se fait pas chier !
– C’était le moins cher sur le marché. Moi c’est la note de l’astrotel qui me reste en travers de la gorge. 300 balles la nuit ! Ok ils sont pas regardants sur les puces d’identité, les Finlandais, mais admets qu’on ait dû attendre la fenêtre de tir une semaine de plus, on se retrouvait en slip en arrivant sur Mars. Et maintenant si monsieur le voyeur veut bien descendre de son mirador, c’est l’heure du marchand de sable.
Anthéa a raison. Le dortoir commence à se remplir, inutile d’attirer l’attention. Je plonge dans mon sac à viande.
– Bonne nuit « Fesses de Rêve » ! Au fait tu sais comment ça se repique une salade ?
– C’est toi l’expert en salades ! Si tu nous pondais un autre best-seller ? Ça arrangerait bien nos finances tu crois pas ?
– J’ai rien contre. C’est juste que l’inspiration ça se commande pas sur Amazon !
– Quelle amazone ?
– Laisse tomber, t’es trop jeune pour comprendre.
– Lapin ?
– Ouais ?
– Faut que tu saches un truc… Quand j’étais petite, j’allais pas mal traîner à la médiathèque de la Résidence. En farfouillant dans les fichiers PDF j’étais tombée sur un roman qui m’avait bien plu. « Hippocampe Twist », ça s’appelait.
Je fais un bond de cinquante centimètres sur le matelas.
– PARDON ??? MON Hippocampe Twist ??? Marie-Claude, le tas de sable, les Relax, Léon Zitrone, Ray Davies…
– Ouais… Et aussi Les Seigneurs du Fond, « Chez Georges », Le Zébi Allégorie de l’Ennui, James… le pauvre gars, ça m’avait fait pleurer son histoire de brochet de la mort qui tue…
– Je le crois pas ! JE – LE – CROIS – PAS !!! Et tu m’as laissé te raconter ma vie comme un…
– Comme un audio book ? Ouais y a de ça… T’as une si jolie voix, lapin.
– J’aurais dû m’en douter… T’avais pas l’air plus étonné que ça quand je t’ai parlé de mes royalties…
– Chuuut ! T’empêche tout le monde de dormir.
… à suivre demain…