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« MARS 2221 », (chap 8 : Anthéa (1), suite et fin) feat Edmond de Goncourt

 

Ouin 🙁 Depuis que je leur livre «  MARS 2221, roman » à domicile, prédécoupé et tout, les Médiapartien(ne)s me lâchent plus le moindre « recommander » (« commander » me suffirait  en fait). Sont quand même pas tous libraires indépendant(e)s de leur volonté, les Médiapartien(ne)s ? Si ? Bah c’est pas bien grave. Mon idée de départ c’est de relire un roman « qu’il est drôlement bien torché même que c’est moi qu’il l’a écrit » comme on dit sur France Culture. Et vu que je suis d’un naturel partageux autant que fervent partisan de la gratuité en toute chose… En plus j’en profite pour réécrire certains passages… On peut toujours  mieux faire ! Même Edmond Goncourt il aurait pu dû essayer de mieux faire, des fois. Prenons une phrase au hasard d’un de ses nombreux chefs-d’œuvre hélas tombés dans l’oubli pendant que sa fondation, à son frérot et à cézigue, pète les scores. Je vous la remémore :

« Cette invitation est une ravissante petite carte 1, au haut 2 de laquelle danse un couple 3, aux 4 sons d’un orchestre mêlé au 5 monde d’un salon 6, 7 éclairé à giorno 8. »

1 l’ adjectif placé avant le nom ? On frôle l’anglicisme, Ed !

2 « au haut » ? phonétiquement c’est plutôt avant-gardiste non ?

3 le verbe qui précède le sujet ? T’es sûr que ça s’impose sur ce coup-là ?

4, 5  « Que de au(x) ! » comme le maréchal de Mac Mahon se serait (presqu’) exclamé devant les crues de la Garonne.

6  « les sons d’un orchestre mêlé au monde d’un salon » ? Surréaliste avant l’heure de mixer ouie et vue de la sorte, quoiqu’on y gagne pas en compréhension !

la virgule qui sème le doute : qu’est-ce qu’on éclaire « à giorno » dans ton histoire, Edmond ? Le couple, l’orchestre, le monde du salon, le salon lui-même ? Mais, dans cette dernière hypothèse, pourquoi la virgule ?

8  En italien dans le texte (sauf l’accent sur le « a », Eddy ! Bah, te connaissant, tu avais pressenti la réforme de l’orthographe de 1990).

Si l’idée d’un texte aussi génial m’avait jamais effleuré, j’aurais opté pour une version du genre :

« Cette invitation est une petite carte ravissante en haut de laquelle un couple danse. Les membres de l’orchestre se mêlent au monde du salon, sous un éclairage a giorno. » Mais bon…

Tiens, une prochaine fois on essaiera de tirer quelque chose de la prose de Michel Onfray de la princesse. Ou bien – mais là faut avoir fumé et pas que du haschich – celle de BHL de poulet !

Là tout de suite on avance dans « MARS 2221, roman ».

résumé : le narrateur se remémore sa rencontre avec Anthéa.

Anthéa, la première fois que je l’ai vue, c’était dans la salle d’attente du cabinet de consultation du chirurgien Poutine. En train de dormir pareil. Un reader gisait à ses pieds, encore allumé. Je l’avais ramassé, éteint et, avant de m’asseoir à mon tour, déposé sur la table avec les autres. Réveillant la dormeuse. Dont les paupières s’étaient ouvertes sur deux lagons bleu turquoise. Dans lesquels j’avais plongé direct.

– Oh merci. Il a dû me glisser des mains… Ces somnifères devraient être remboursés par la Sécu.

– J’avoue. Le docteur Frankenstein a pris du retard dans ses rencards, on dirait !

– Le docteur Frankenstein ?

Ma vanne était tombée à plat. Comment cette jeune personne – je lui donnais pas plus de 18 ans – aurait eu vent d’un roman vieux de quatre siècles, aussi génial soit-il ?

– Poutine. C’est pas avec lui que vous avez rendez-vous ?

– Si hélas !

Les coups de foudre, c’est l’histoire de ma vie sentimentale. Et voilà qu’à 269 ans passés je remettais le couvert. Anthéa m’avait souri, indulgente. Elle devait avoir l’habitude d’électrocuter les gens.

– Ne restez pas debout, ça m’épuise.

Je m’étais posé à côté d’elle. Sa voix rauque, traînante hésitait entre Lauren Bacall et John Malkovich (toutes mes excuses au lecteur du 23ème siècle, là encore mes références datent un peu). Anthéa tapait le mètre quatre-vingt sans problème. Seul son visage le rangeait dans le camp des filles. Et encore. Sous le maquillage discret, une mâchoire inférieure à la Michel Vaillant s’en venait semer le doute. Elle avait froncé les sourcils.

– C’est marrant je ne vous ai jamais croisé dans la Résidence. Vous êtes un clone, vous aussi ?

– Ça se voit tant que ça ?

J’avais arboré un air penaud.

– Ha ha, le prends pas mal ! Au contraire, c’est un compliment ! On va se tutoyer ok ?

– Ça me ferait plaisir.

– Eh ben je sais pas si t’as remarqué, la plupart des VO qui circulent dans le coin, on dirait des zombies. Sans parler de leur haleine… Paraît que l’intello moyen n’est jamais très copain avec son système digestif… Bref t’es pas comme eux, c’est cool.

Les « VO » ! Je m’étais marré.

– …Heureusement j’en ai plus pour longtemps à supporter ces ulcéreux congénitaux. La dernière fois, Poutine m’a dit qu’on allait bientôt pouvoir me lâcher dans la nature. Il a beau dire que dehors c’est pas la fête tous les jours, j’ai hâte.

Merde, elle allait se casser !

– Tu…  Tu vas t’en aller ? Quitter la Résidence ?

Re froncement de sourcils.

– Bah c’est pas encore fait. Les tests d’« intégration psycho sociale » c’est tout sauf une formalité. T’en sais quelque chose, non ? T’as quel âge, sans indiscrétion ?

– Vingt-huit.

Je m’étais senti piquer un fard. Je mentais pas sur l’âge que Poutine m’avait donné, sauf qu’à bien y réfléchir j’étais rien qu’un vieux dégueulasse de 269 balais en train de tirer des plans sur une mineure ou assimilée.

Elle avait secoué la tête, délogeant une boucle de ses cheveux platine, coupés au carré. Par chance, la paire de loches qui s’était alors pointée dans l’entrebâillement de la porte du cabinet de consultation m’avait dispensé de fastidieux éclaircissements.

Marinella rafistolait son chignon, une épingle dans une main, une autre entre les dents. Son rouge à lèvres avait grand besoin d’un raccord.

– Anfhéa ? le chirurgien Poufine est prêt à te refevoir.

« Anfhéa » s’était levée sans précipitation. Avant de filer le train de l’assistante en cours de ravaudage elle s’était retournée et m’avait lâché, désinvolte :

– Il y a un concert au kiosque ce soir. J’irai certainement faire un tour…

 

à suivre demain

Bon lundi + « MARS 2221 », texte intégral (chap 8 : Anthéa (1))

À l’heure où Robert Doisneau immortalisait le trou des Halles, qui mieux que Cloclo savait célébrer les joies du lundi, au soleil tant qu’à faire ? Ce timbre sauvagement nasillard ! En partie(s) dû au port du moule-boules (= « nom masculin invariant en nombre: Slip ou pantalon tellement serré qu’il met en évidence les parties génitales ») télévisuellement incontournable en ces années glorieuses. Sur une ligne mélodique génialement insignifiante, ces lyrics d’une suave débilité !  « ♫ Regarde ta montre, il est déjà huit heures /♫ Embrassons-nous tendrement /♫ Un taxi t’emporte, tu t’en vas mon cœur /♫ Parmi ces milliers de gens ». Bon lundi, les enfants de la patrie ! En prime, la suite de «   MARS 2221, roman» …

 8. Anthéa (1)

 – Drone autonome de sécurité aérienne DASA 13-45FX09. Veuillez décliner les raisons de votre présence statique dans le périmètre rapproché des Jardins Suspendus.

– Mon épouse, mes compagnons et moi sollicitons de votre hiérarchie l’examen bienveillant d’une requête en protection temporaire assortie d’une offre de contrepartie active.

Le petit homme serre sa femme contre lui. Il a débité sa demande d’embauche d’une seule traite. C’est pas sa première depuis leur arrivée sur Mars. Pendant que je roupillais, Anthéa a bavardé avec Cyrus Meertens. Il est Belge. Les Meertens exploitaient une petite scierie au sud d’Anvers avant que le nord de la Belgique disparaisse sous les eaux avec leur scierie.

Le béret lui répond du tac au tac.

– Veuillez me suivre tous les cinq.

Comme en Galilée les rois mages l’étoile du berger, on suit le drone le long du haut mur d’enceinte jusqu’à la grille d’entrée des Jardins. Et là j’hallucine : Beaubourg ! « Notre Dame des Tuyaux », comme ricanaient les détracteurs de la construction ultra futuriste poussée comme un champignon au cœur du Paris des années 1970. Le nom officiel de l’usine à gaz en question c’était « Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou » mais on disait « Beaubourg » en référence au plateau Beaubourg, le terrain plus que vague sur lequel elle avait été érigée. Riverain de Beaubourg en construction, à l’emplacement des Halles détruites il en restait un méga trou qui faisait marrer les passants. Eh ben les Jardins, si on les a pas encore vus c’est que, non seulement ils sont planqués derrière un mur d’une hauteur conséquente mais leurs niveaux inférieurs plongent loin dans le sol. Sûrement pour éviter que ceux du haut se cognent la tête dans le dôme qui chapeaute l’espèce de cathédrale transparente qui m’a tout de suite fait penser à Beaubourg.

Parce que Beaubourg c’était pas que des tuyaux. C’était aussi du verre. Six niveaux de cloisons vitrées maintenues en place par des barres de fer. On aurait dit que, le boulot torché, les ouvriers s’étaient cassés sans remballer leurs échafaudages. Question vitrage, les Jardins sont pas en reste. Tout comme les mickeys supposément artistiques exposés à Beaubourg jouissaient d’un éclairage naturel incomparable, les fruits et légumes cultivés aux Jardins Suspendus, mille-feuille d’une surface totale de quatre ou cinq terrains de foot, aménagé pile sous un puits de lumière, peuvent pas rêver d’un meilleur ensoleillement. Et le soir – comme ce soir – des millions de leds prennent le relais. Noël avant l’heure !

Le béret se fend d’une salve de couinements de souris à l’intention de la boîte de conserve obèse en lévitation devant le poste de garde. Le bot adipeux nous scanne de haut en bas avant de nous autoriser à passer l’entrée et nous diriger sur le hall d’accueil. Là on est pris en charge par une grande meuf à l’air pincé. Elle est hôtesse diplômée, pas assistante sociale, non mais sans blague ! Dans un sursaut de solidarité humaine, elle nous autorise malgré tout à poser un cul en attendant que le Département des Admissions statue sur notre cas. Ce qui, à l’en croire, devrait pas être long.

Les fauteuils, disposés en cercle autour d’une table basse encombrée de « readers » – ces revues connectées dans lesquelles, avant de mater un article vaguement intéressant il faut faire défiler une bonne dizaine de pubs débiles – s’annoncent hyper confortables. Je me laisse tomber sur un d’entre eux, face à Anthéa. Elle a déjà fermé les yeux, partie dans une de ces micro siestes qui lui rendent toute son énergie.

la suite demain

« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 7 : la PMAL)

 

On se tue à vous le dire ! Bon ce matin j’ai pas le temps de lâcher une nouvelle gerbe sur la politique étrangère d’Israël, le petit état courageux qui fait que se défendre contre les femmes et les enfants de ses méchants voisins – hein BHL de poulet ? – ni sur les viandards candidats au cancer du colon. On passe direct à «  MARS 2221, roman  »  !

   7. La PMAL

Me dites pas que vous rêvez pas. Tout le monde rêve. Seuls 0,38% de fortes têtes prétendent le contraire. Ils auraient, paraît-il, un problème d’« encodage du souvenir à la sortie du sommeil paradoxal ». Quant aux Parkinson, prophètes, rockstars, présidents de la république et assimilés c’est autre chose, ils vivent leurs rêves. Le verrou de sécurité entre leurs pensées et leurs actes a sauté. Le chirurgien Poutine était formel : mes « remontées hippocampiques » à moi, comme il les avait baptisées, ressortaient pas du domaine du rêve. Pas même du rêve éveillé. Du « déjà vu » à l’extrême rigueur, sachant que les recherches menées sur ce phénomène souvent lié à l’épilepsie eussent démontré son absence de rapport avec les aires impliquées dans la mémoire. Nan, selon Poutine, il fallait chercher ailleurs. Un jour il m’avait fait part de sa théorie, me concernant.

– Je dirais qu’en son temps le docteur Legrand a péché par excès de zèle. Soucieux de faire remonter vos souvenirs dans leurs moindres détails, il a en quelque sorte surcompensé vos facultés mnésiques, d’où ces incursions intempestives de votre vie passée dans la présente.

« Excès de zèle » mon cul. Les lecteurs d’Hippocampe Twist savent très bien que l’empressement de Legrand à me remuscler l’hippocampe s’expliquait avant tout par sa volonté obsessionnelle de me faire régurgiter les modalités exactes de la chute de l’étagère. Non content de monnayer mes souvenirs intimes, ce pourri s’était mis dans le crâne de récupérer la formule du « cri du blé ».

– Suite au traitement particulièrement hem… efficace… du docteur Legrand, en contexte de tension ou de stress, que les circonstances extérieures en viennent à présenter une similitude marquée avec une situation dont vous avez gardé l’empreinte mémorielle et vous « basculez ». Vous troquez la réalité objective  contre le fantasme parallèle induit.

Chaque fois que Poutine parlait de « réalité objective », un drôle de sourire laissait entrevoir ses dents jaunies par le tabac. Lui, c’était pas l’étagère qui l’intéressait mais mon nez. Il passait son temps à l’étudier en long, en large et en travers, mon tarbouif. À le radiographier, le scanner, l’imprimer en 3D à différents moments de la journée, continuant à me donner du « Maître » par-ci, du « Maître » par-là.

Les doigts d’Anthéa font des tournicotis avec mes cheveux. Comme s’ils frisaient pas assez comme ça, mes poils de tête ! Je le lui dis. Elle se marre. Nous sentons le camion ralentir. Jusqu’à glisser au pas sur le monorail. On arrive à un nouveau péage. S’ensuit une manip inverse de celle de tout à l’heure. Un volet se lève et le fourgon reprend sa liberté. Nous naviguons de nouveau à un mètre du sol dans un tunnel à deux voies. Soudain dans la lumière du phare, un panneau indicateur : « La Ferrière, 1,5 kms ».

La voix du rabbi nous parvient, plus lasse que jamais. Les trois heures de route non stop y sont pour quelque chose.

– Rassemblez vos affaires, mes amis. Dans cinq minutes je vous largue devant les Jardins.

 

…à suivre dès demain…

 

Taïaut taïaut Retailleau ♫ + « MARS 2221 » (chap 6 : Un gros dodo, suite et fin)

Taïaut taïaut Retailleau ♫ Dernier délire du morveux, « coprince d’Andorre, Chanoine de Latran et Prince des veneurs » (sic) et sa bande de malfaisants : la chasse aux OQTF est ouverte !

Si seulement ça pouvait faire des vacances aux lapins, lièvres, perdrix, perdreaux, faisans et autres adorables petites cailles. J’en avais encore une ce matin sur le rebord de ma fenêtre. Trempée, affamée, apeurée, traquée par tous ces psychopathes en roue libre depuis 15 jours et autorisés, pendant les 5 mois à venir, à massacrer tout être sensible à poils ou a plumes osant vivre sa vie loin de l’enfer des bipèdes et leur Shoah des Animaux.

Que dire de l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté, bien décidés à euthanasier au berceau l’impression à la demande en général et «  MARS 2221, roman » en particulier?

Et tiens, puisqu’on en cause :

résumé : en route pour les Jardins Suspendus, le narrateur est, semble-t-il victime d’une nouvelle remontée hippocampique

 – Tranquillou! Les joies de la XM et sa chouette suspension hydraulique !

– Tu vas pas être malade hein son pépère ? Tu vas pas nous dégueulasser le VTT de Poupi ! Comment elle l’appelle déjà ?

On est au début des années 1990. Poupi c’est ma nouvelle compagne. Elle nous a précédés en train 400 bornes plus bas sur la carte pour aérer sa maison de famille perchée sur les hauteurs du Cantal et dans laquelle elle m’a offert de passer l’été. Quand j’ai dit à Bruno J. que j’avais besoin de convoyer deux vélos direction le trou-du-cul du monde, il en a parlé à son pote Bruno B. qui a dit « no problemo ». Bruno B. est un jeunot dingue de vitesse. Bagnole ou moto, du moment que ça speede, il est partant. 

Ma situation professionnelle a pas évolué depuis ma confidence au gars Souchon. Comme il fallait s’y attendre, l’iceberg des goûts merdeux du public a direct envoyé mon « Titanic » par le fond. Je continue à financer mon paquet de chips du soir espoir à la sueur de mes petits doigts agiles. À ce titre, l’année dernière j’ai reçu la visite d’un grand chevelu en Perfecto qui voulait s’initier aux claviers. Encore un à qui j’aurais pu suggérer de faire comme j’avais fait 15 ans plus tôt : tu te payes un « Magnus Electric Chord Organ 391 » en promo chez Tcharfour, tu voles une « Méthode Rose » au marchand de musique du coin et tu t’enfermes dans ta piaule pendant six mois. J’aurais pu mais j’avais un loyer et un pochon de beu hebdomadaire à financer alors j’ai dit « bienvenue à bord, jeune homme ! ». Le mec était cool. Notre relation prof / élève a rapidement viré pote / pote. Quand il est pas à bosser son piano, Bruno J. taquine la basse. Ça tombe bien. La passion de Gilou (le bassiste historique de Chère Crainte) pour le J&B a atteint des sommets, au point de le rendre de plus en plus violent envers son environnement matériel ou humain, pour des motifs presque toujours incompréhensibles. À la dernière répèt’ j’ai dû me réfugier dans les chiottes pour survivre. Bruno suce pas de la glace non plus mais, comme moi, il est surtout fumette. Il s’est bricolé un petit home studio tout confort dans lequel on passe des nuits à enregistrer. Et à se taper des barres non-stop.

– Rose Bonbon.

– Haha ! Rose Bonbon !!! Jar !

Bruno B. dit pas « genre » mais « jar ». Est-ce parce qu’il est originaire du sud de la France (« Genre » => « jannre » => « jar ») ? Ce serait la seule trace d’un accent qu’il a perdu depuis longtemps. Pas comme cette habitude détestable de conduire avec les genoux pendant qu’il chauffe son shit puis prépare délicatement le mélange détonnant, avant de manufacturer à 180 quelle que soit la météo. Bon mais vaseux comme je suis, pas question de m’offrir à œuvrer à sa place et on va pas réveiller Bruno J. « London Calling » à fond les baffles, les phares des bagnoles en face, l’orage, la pluie diluvienne, ça le fait roupiller, Bruno J. ! En me tassant un peu je parviens à me caler en PLS entre Rose Bonbon et Tornade (c’est le nom de mon spad à moi). Un truc pointu me rentre dans la joue. Un pignon de dérailleur, on dirait…

C’est pas un dérailleur mais une boucle de ceinturon. Je me redresse tant bien que mal.

– C’est ce qui s’appelle un gros dodo, ça madame ! Ils sont pas trop raides comme oreiller, les genoux d’Anthéa ?

à suivre demain

 

 

« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 6 : Un gros dodo)

Pendant qu’à l’ONU Jobidin et le morveux mettaient au point leur numéro de claquettes et que, partout dans le monde, la Shoah des Animaux battait son plein, j’ai eu le président du Goncourt Boys’ Band en visio. Il a pris un coup de vieux. Sinon il m’a confirmé que chez eux, le cl de graisse de patte dépassait largement mon budget de loser. Bah la gloire attendra. Dommage pour l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté qui, leur regard perdu pour la bonne littérature soudain aimanté par l’imparable bandeau rouge, auraient été obligés, cette fois, de parcourir au moins quelques lignes de « MARS 2221, roman »  avant de s’en bricoler dare-dare une pile d’attrape-couillons toujours bonne à écouler en ces temps difficiles.

Couac il en soit, sachez bien, très chers fyreux, que je m’auto congratule au quotidien de relire ce banger avec vous. Et surtout croyez pas que je charbonne de fou pour vous le faire pécho. Vous me verriez chokbar de baisé de croire une chose pareille.

 

Dans l’épisode d’aujourd’hui, au sortir de la messe nos héros s’en vont chercher du boulot.

 6.Un gros dodo

La rampe au fond de la cave-atelier débouche sur la sente du Rognon (en arrivant à l’église, vue de l’extérieur, j’avais trouvé la grille vachement haute et large pour une bouche d’égout). Le rabbi manie son camtar faut voir comme. On cueille le périph’ au bout de la rue des Nébuleuses. La circulation est fluide, on est vite Porte Guillaume Bigourdan. Au péage de l’Interloop, le rabbi passe la tête par sa vitre baissée.

– Un aller-retour La Ferrière s’il vous plaît mon fils.

Le sigle de la Foi Universelle sur le carénage retient l’attention de l’andro encaisseur.

– On descend aux Jardins faire sa provision de légumes frais, rabbi ? Un instant, je vous programme.

Interloop et underspeed fonctionnent sur un même principe, savoir un tube à basse pression à l’intérieur duquel circulent des capsules à propulsion électromagnétique. L’underspeed, entièrement équipé et contrôlé par le MTA (Mars Transit Authority), dessert les zones urbaines et péri urbaines. Ses modules en colliers le font ressembler à un embrouillamini de ténias adeptes de l’auto-fellation. L’Interloop quant à lui, considéré les distances qu’il couvre et le fait qu’il soit ouvert à tout véhicule individuel répondant aux normes martiennes, fait figure de tissu autoroutier. À noter que son creusement et sa gestion sont confiés à des entreprises privées qui s’en mettent plein les fouilles au passage. Rien de nouveau sous le soleil martien.

L’andro pianote la destination du camion sur son clavier puis, ayant rappelé les consignes de sécurité à son conducteur, actionne l’ouverture du sas. On se pose comme une fleur sur le rail-bretelle. L’arrimage automatique ne prend que quelques secondes, checké depuis sa cabine par l’andro qui, satisfait, souhaite bonne route au rabbi et à sa passagère puis le véhicule glisse lentement jusqu’au rail principal. Le temps pour l’IA du péage d’insérer le camion dans le flux serré du trafic et nous voici taillant la route vers la Vendée Nouvelle.

L’arrière du suppositoire est plus spacieux que j’aurais cru. C’est pas le grand confort non plus. Deux banquettes latérales dont le rembourrage a connu des jours meilleurs. Anthéa, assise à côté de moi face aux autres, me surveille du coin de l’œil. Elle me sait claustrophobe. Qu’il en soit remercié, dans son placard ambulant le rabbi a eu la bonne idée d’installer un écran. Relié à une caméra fixée en haut du pare-brise de l’habitacle il permet de voir ce qui se passe sur la route. Les parois du tunnel se mettent à défiler de plus en plus vite dans le phare du camion, jusqu’à atteindre une vitesse de croisière impressionnante. Sur le rail d’en face ça circule pas mal aussi, à en juger par toutes ces lumières qui se précipitent vers nous. Anthéa disait vrai pour le roulis. Le bercement d’enfant sage de l’underspeed c’est que dalle en comparaison.

– Comment ça se passe derrière ?

Bruno B. se fend la gueule, l’enfoiré. Sa voix a du mal à se faufiler entre les basses du lecteur de CD maximum volume et le crépitement incessant de la pluie sur les vitres. Les éclairs déchirent la nuit, devançant chaque fois d’une demi seconde les craquements apocalyptiques d’un orage d’été qui nous lâche pas depuis qu’on a quitté Étampes.

 

à suivre