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Continuez à demander « MARS 2221 » !

La semaine dernière je vous lâchais un petit topo sur l’impression à la demande, emprunté au blog que j’ai ouvert sur (Club) Médiapart . Voilà que je récidive. Ce matin je leur ai posté un complément alimentaire de mon expérience amoureuse avec la librairie indépendante française et ce soir je peux pas m’empêcher de vous en faire profiter, bande de veinards ! Cela dit, les cèlzéceux qui préfèrent le lire là-bas, c’est toujours gratos, sauf les likes (ils disent « recommander ») et les commentaires. Par contre y a pas les images, pas le temps.

Ça s’appelle : « Impression à la demande, etc… (suite et fin) »

Ou « Quand un mini sondage pointe un maxi grain de sable dans les rouages (trop) bien huilés du commerce de la littérature. »  C’est parti !

Pour ceux qui n’auraient pas lu « Impression à la demande, librairie indépendante, écologie et littérature », en début d’année j’adresse le PDF de mon dernier roman à 560 libraires indépendants. Je reçois une dizaine de retours. Qui disent tous la même chose : « les livres en impression à la demande ne sont pas bienvenus chez nous ». Un de mes correspondants s’en explique.

« Bonjour,

et bonne année également.

Commander des livres, c’est notre quotidien.

Mais les commander chez votre éditeur qui pratique l’impression à la demande cela nous arrive lorsqu’un lecteur nous le demande1. Aucun retour n’est possible chez cet éditeur d’où ma frilosité pour en avoir en stock. »

« Aucun retour n’est possible ». Fort de cette explication, je développe la théorie suivante : venu le moment de garnir ses tables et remplir ses rayons, le libraire indépendant sent son indépendance mollir : l’éditeur de l’ouvrage qu’il s’apprête à exposer s’engage-t-il bien à reprendre les invendus ?

Si sa boutique fonctionnait sur le principe de l’impression à la demande, le malheureux n’aurait pas à flipper de la sorte. Le débarrassant au passage de sa chronophage gestion des stocks, l’IAD lui permettrait de se concentrer sur l’essentiel, savoir : le bouquin a-t-il une chance/mérite-t-il – à son avis éclairé – de trouver un public ? Sans parler de la trace carbone de l’industrie du livre – sujet de préoccupation majeur (ou pas) de tout professionnel de l’édition  – qui, grâce à l’IAD, chute drastiquement…

N’empêche que le jetage absolu dont j’étais victime avait de quoi alimenter ma parano naturelle. Les libraires n’étant pas à priori de mauvaises personnes, allez savoir si, dans leur écrasante majorité (550/560) ils n’avaient pas trouvé mon bouquin tellement naze que la plus élémentaire charité chrétienne leur intimait d’en rester là. Quant aux rarissimes (10/560) m’ayant gratifié d’un retour, leur aversion pour l’impression à la demande était-elle autre chose qu’un alibi des plus élégants qui leur épargnait de me renvoyer à mes piètres qualités d’auteur ?

Après des nuits d’insomnie, je décidai d’en avoir le cœur net et me lançai dans un nouveau mailing. Cette fois je me limiterais à ce que j’imaginais être la crème de la crème de la librairie indépendante française. J’écumai le bottin des grands centres urbains. Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse… Pour la petite histoire, les librairies bordelaises se révélèrent terriblement avares en adresses-mail ! Bref, triées sur le volet hexagonal, 152 librairies indépendantes eurent l’honneur et l’avantage de recevoir le courriel suivant :

« Sujet : Sondage-éclair

Bonjour librairie X,

Dans l’optique d’une tribune intitulée «  Impression à la demande, stocks, invendus et écologie », merci d’avance de votre réponse à ce sondage-éclair. Il vous suffit de me faire un retour mentionnant le numéro de la question suivi de « oui » ou « non ».

Toute remarque annexe touchant à la trace carbone de l’industrie du livre ou au principe de l’impression à la demande est plus que bienvenue.

1) Avez-vous lu le PDF de « Mars 2221, roman » que je vous ai adressé en date du 02/03/24 ?

2) Avez-vous mentionné à votre clientèle l’existence de ce livre, afin que des personnes potentiellement intéressées puissent vous en passer commande ?

3) Si vous ne l’avez pas lu, prévoyez-vous de le lire un jour et, si vous en pensez du bien, d’en parler à la frange de votre clientèle potentiellement intéressée ? »

Comme pour le PDF, j’ai eu très très peu de retours2. Tous identiques :

Au hasard :

– Librairie des D…

1-non

2-non

3-non

 

– Les T…

1) non

2) non

3) non

 

– Librairie T…

Bonjour monsieur

Pour nous, la réponse est non aux trois questions

Cordialement

 

– Librairie L… N…. B…

Bonjour,

1 NON

2 NON

3 NON

Bonne journée.

 

– L…en T…

Bonjour Monsieur,

J’espère que vous allez bien. Le lien entre votre « sondage » et le sujet de la tribune n’est pas explicite. Et en l’état les réponses que je vais apporter à vos questions relèvent davantage d’une problématique liée à la distribution (les retours à l’éditeur) qu’à l’impression à la demande.

1) Non

2) Non

3) Non

Belle journée à vous,

En restant à votre disposition,

On comprendra que j’aie gardé ce mail pour la bonne bouche, dans la mesure où il met au jour une tragique évidence. Les libraires indépendants n’ont pas encore intégré que la « problématique liée à la distribution (les retours à l’éditeur) » disparaît avec le choix du système de l’impression à la demande.

Quoi qu’il en soit, à l’heure où j’écris ces lignes vous me voyez assis le cul entre deux chaises.

Dois-je me réjouir du fait que mes qualités littéraires n’ont rien à voir avec la fin de non-recevoir que la librairie indépendante hexagonale oppose à mon bouquin ?

Ou me lamenter à la pensée que, malgré tous mes efforts en ce sens :

1) aucun libraire indépendant n’a lu mon « Mars 2221 »

2) aucun client de sa librairie n’est au courant que « Mars 2221 » est commandable, sinon recommandable 😉

Mais surtout que :

3) jamais libraire indépendant ne lira « Mars 2221 » de sa propre volonté ». Si d’aventure un de ses clients apprend que ce livre existe, ce sera par Google (qui le dirigera direct sur Google Books, voire Amazon).

Et encore plus surtout 🙂 au-delà de ma déception personnelle, que penser de l’obstination de la librairie indépendante hexagonale à balayer d’un revers de manche un système de commercialisation aussi équitable, logique et écologique que l’impression à la demande ?

 

Franck Richard, auteur indépendant

 

Il ne manquerait plus que le pauvre gars se voie opposer un refus !

À  moins qu’il/elles en décident autrement, les noms et adresses des libraires (que je remercie de leur participation au sondage) resteront entre eux/elles et moi