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« MARS 2221, roman » (chap 15 : L’arbre à tomates)

À l’intention des nouveaux arrivants, ici sur fyr ou sur mon blog Médiapart, bienvenue chez un auteur-éditeur qui aime se relire et pas que pour s’auto congratuler. « MARS 2221, roman » papier est en vente depuis mars 2024 en mode « impression à la demande » mais les libraires « indépendants » 🙂 ont trop à faire en tant que fourgues des cartels de la page imprimée pour lire et éventuellement conseiller à leur clientèle le travail d’un auteur-éditeur (pour plus de  détails, lire ici Demandez « MARS 2221, roman »  et aussi Continuez à demander « MARS 2221 » ou sur Médiapart :  Impression à la demande, librairie indépendante, écologie et littérature + Impression à la demande, etc… (suite et fin) .

« MARS 2221 » existe également en livre numérique (ebook, kindle), ce qui me permettra un jour d’en publier, à moindre frais, une version 2.0 comportant les menues corrections / améliorations que la présente relecture me suggère au jour le jour. Je tiens toutefois à préciser que, globalement, jusqu’ici « MARS 2221 » me satisfait tel quel. Rapide, musclé, intransigeant, différent, je le recommande chaudement à des cerveaux rapides, musclés, intransigeants et (là est la clé) différents.

 

15. L’arbre à tomates

255 ans en arrière sur Terra les mornes plaines du Hurepoix se la jouaient pas encore désert de Gobi. Pour se faire un peu de maille pendant les vacances d’été, avec Serge on avait tenté de s’enrôler dans un contingent de ramasseurs de pommes de terre. Trop jeunes, on s’était fait jeter. Trois jours aux Jardins m’ont suffi pour comprendre que c’était ce qui pouvait nous arriver de mieux. J’ai les reins en capilotade.

Comme toujours Anthéa a su tirer son épingle du jeu. L’ayant vue rafistoler les doigts dans le nez un tapis roulant qui donnait des signes de faiblesse, Tyler Jérôme s’est dit que cette surdouée méritait un autre karma que remplisseuse de cageots.

– Dis ‘Théa, ils ont pas besoin d’un arpète au service maintenance ?

– Depuis quand tu fais la différence entre une vis Philips et une Pozidriv?

– Je demande qu’à apprendre.

– Il est mignon ! Cela dit…

– Cela dit ?

– Depuis le temps que tu me serines avec tes talents de planteur de beu…

Janville/Juine, printemps 1982. Le propriétaire bègue de la jolie petite maison près du lavoir a dédécidé dede la memettre en venvente. On est priprioritaire pour l’a’acheter mais on a papas la thuthune. Anyway c’est le commencement de la fin de ma longue, tendre mais chaotique histoire sentimentale avec Sa Majesté Mulot 42 (nom de code de Marie). Elle rentre à Paris. Elle kiffe la vie là-bas. Pas moi. Denis, le designer de la pochette de « Titanic », est l’heureux locataire d’une grande baraque à Cerny, un bled voisin. Il offre de nous héberger, mon piano et moi, le temps que la gloire et ses retombées financières nous sourient. Une grande baraque avec un grand jardin. Un très grand jardin. Tellement grand qu’impossible à entretenir dans son entièreté. Les hautes herbes, les ronces et les orties ont pris possession de l’ancien verger. Parallèlement on en a marre d’engraisser les dealers, donc… Mais aux premiers coups de bêche, le moral retombe. La terre est dure comme du ciment. Vingt ans qu’elle a pas connu, ne serait-ce que le gratouillis d’une binette. Kurt (le choriste-saxophoniste-pharmacologue de Chère Crainte, présent sur « Titanic ») passe souvent dans le coin. Il a pas tout à fait terminé de claquer en dope et en restos l’épargne-logement que ses honnêtes commerçants de parents constituent à leur fils unique depuis le jour sa naissance.

– On oublie l’arrosoir. Il nous faut une irrigation à la hauteur.

Ayant dit, Kurt déclare prendre en charge la note de flotte. Et financer les soixante mètres de tuyau nécessaires à son acheminement vers la plantation. N’ayant rien de spécial à faire de mes journées de starlette en stand-by, je propose de mettre ma force de travail au service de la communauté. En une semaine je fais surgir du désert un îlot de terre vierge de toute racine, absent du plus minuscule caillou. Un îlot de cinq mètres sur quatre on ne peut plus propice à la culture intensive du cannabis sativa sisativa samva. Le terme « îlot » est d’autant mieux approprié que, tout autour, j’ai creusé une tranchée de trente bons centimètres de large sur une vingtaine de profondeur. Cette tranchée recevra chaque matin, grâce aux moyens techniques de Kurt, un apport en eau claire susceptible d’entretenir jusqu’au soir et quelle que soit l’ardeur du soleil un micro climat propice à la germination heureuse d’une bonne centaine de graines du meilleur cru. Rebelote à la tombée de la nuit. Un mois et quelques m3 plus tard, une bonne centaine de jeunes pousses vigoureuses manifestent leur volonté de s’enraciner au cœur de notre jardin extraordinaire. Fin août, elles se sont transformées en une bonne centaine de pieds hauts d’un mètre cinquante à deux mètres. Une « française » pleine de promesses dont nous tardons pas à déguster les feuilles du bas, torréfiées à point dans une grande poêle. Kurt, toujours lui, se charge de l’opération. Il appelle ça une « fricassée ».

Qu’est-ce qui te fait sourire ?

– Je souris moi ? Un rictus de douleur. J’ai plus de dos. Tu disais pour mes talents de planteur?

Anthéa se penche par-dessus son assiette.

– Entre toi et moi, il s’en passe de belles dans l’arbre à tomates.

demain la suite …

sinistre israélien + « MARS 2221 » (chap 14 : Les Jardins Suspendus)

On dit le QI des libraires indépendants mais parlons de celui des IA ! En quête d’une image pour mes « jardins suspendus », j’ai cru pouvoir miser sur les capacités d’analyse et de synthèse artistiques de CoPilot, l’IA de Microsoft dispo sur le ouaibe. Je  vous épargne le résultat.

Et tiens, en place de prétendue intelligence, je vous propose une illustration de la connerie réelle, cruelle, putride et sans excuse d’un certain premier sinistre israélien criminel de guerre et sa menace brandie à l’encontre de la population libanaise d’avoir à « subir des destructions comme à Gaza s’ils ne libéraient pas leur pays du Hezbollah ».

 

But ze show must go on ! Retour à « MARS 2221, roman » !

14.  Les Jardins Suspendus

 On ressemble à un escadron de cosmonautes des temps héroïques (« One small step for a man, one giant leap for mankind ») recyclé dans la médecine légale. Je suis le dernier à sortir du vestiaire, le zip de ma braguette était coincé.

– Un… deux… trois, quatre, ah et voici le cinquième… le compte est bon », couine Ramakanta Agarwal, quinze ans de supervision générale à la production horticole des Jardins Suspendus. « …Comme je dis, en sus de la planification des activités selon les objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre, la vérification au quotidien de l’état des plants et bien sûr, en amont, la collecte des données technico-économiques propre à orienter les choix de l’entreprise en termes d’espèces et de variétés à produire afin de conforter notre pole position sur un marché planétaire des fruits et légumes en perpétuelle mutation…

Jamais il respire, le mec ?

-… sur mes frêles épaules repose le pilotage des équipes de bras cassés que Mme Cherkaoui s’obstine à m’adresser. D’après vos fiches…

Le nain obèse jette un coup d’œil de confirmation sur la tablette qui jusqu’ici lui a servi d’éventail.

– … vous vous y connaissez autant en ultraponie que ma chère et tendre en drone surfing. Néanmoins le déficit de main d’œuvre qui règne sur Mars plaidant pour une formation aussi accélérée qu’illusoire, vous avez une semaine pour assimiler les bases d’une pratique qui, comme il est dit en introduction de vos manuels… Faites passer…

« Initiation à l’horticulture martienne ». C’est le titre de la tablette que le méprisant nous enjoint de lire dans les plus brefs délais.

– … « accélère le processus de maturation des fruits et des légumes grâce à un rythme nycthéméral démultiplié ». D’où nos performances en progression exponentielle en termes de récoltes annuelles. Cela posé, le jus de synapse n’a jamais remplacé l’huile de coude, ou est-ce que je me trompe ?

Ramakanta Agarwal saute à bas de son fauteuil et trottine jusqu’à la porte. Anthéa en actionne la poignée, lui épargnant d’avoir à lever le bras pour l’atteindre.

– Merci. Si vous voulez bien me suivre. On va prendre par les coursives afin de ne pas gêner les agents des premiers niveaux.

Nouveau dédale de couloirs et d’ascenseurs montants et descendants pour gagner ce qui ressemble à une porte de cagibi. Notre guide tape le code d’ouverture sur son mobile.

– L’entrée des artistes ! Passé cette limite nous allons devoir abaisser le hublot de notre capuche. La santé des plantations en dépend. La nôtre également. Aussi invisibles soient-elles, les gouttelettes d’à peine 5 microns du brouillard nourricier qui règne de l’autre côté sont un poison pour le système respiratoire.

Nous nous exécutons scrupuleusement. La porte s’ouvre sur une vision à couper le souffle. La clarté diffuse du soleil qui entame son ascension du ciel de la planète où il pleut jamais ajoute à l’ambiance irréelle. On reste coi devant le gigantisme des lieux.

– Hé hé ! Ce bon vieil aquarium fait toujours son petit effet la première fois, pas vrai ? Entrez vite, que je referme la porte. Au prix de la gouttelette, pas question d’en laisser perdre !

À travers la capuche hermétique, la voix de coin-coin d’Agarwal me rappelle David Mc Williams dans « The days of Pearly Spencer ».

– 200 panneaux de titane d’une hauteur de 110 mètres, comprenant chacun 95 plateaux en rotation permanente. De façon, vous l’aurez compris, à ce que les cultures qu’ils contiennent bénéficient équitablement des bienfaits de l’Astre du Jour. Sachant que dès que celui-ci commence à pâlir, notre réseau de leds horticoles ad hoc entre en action. Distribués au pied des panneaux, des ascenseurs permettent d’accéder aux 22 plateformes et leurs passerelles sécurisées sur lesquelles les récolteurs sont répartis en fonction de l’avancée des pousses.

De fait là-haut dans les étages, au gré de l’entrelacs de passerelles métalliques une myriade d’opérateurs gantés, bottés et masqués tendent les bras pour se saisir délicatement des navets, carottes, poireaux et autres radis qui passent à leur portée au gré de la lente remontée des bacs.

– Je rassure ceux d’entre vous qui seraient sujets au vertige. À moins de débarquer dans un contexte de sous-effectifs particulièrement sensible, les nouveaux arrivants sont dirigés sur le rez-de-chaussée. Là où, le plus souvent et en toute logique, le travail oblige à se baisser… Hé Tyler !

Ainsi hélé, un grand costaud occupé à trier une cargaison de choux de Bruxelles s’interrompt à contrecœur et fait voile dans notre direction.

– Je vous présente Tyler Jérôme, un de nos plus brillants managers de niveau…. Tyler, l’avenir professionnel de ces losers dépend de vous ! À défaut de les initier à des mystères de l’horticulture hydroponique qui dépassent largement votre propre entendement, il serait question de leur apprendre les gestes qui sauvent en matière d’efficacité.

À travers les reflets vieux rose de son hublot en ailes de papillon (modèle réservé aux cadres), notre guide regarde sa montre pour la vingt-cinquième fois.

– Je n’ai plus qu’à vous souhaiter à tous une excellente journée aux Jardins Suspendus. Non sans vous avoir rappelé que « si les chats portaient des gants ils n’attraperaient pas de souris » et aussi que « le lion et l’agneau peuvent dormir côte à côte, mais l’un des deux aura un sommeil agité ».

– Kyste Graisseux et ses proverbes à la con ! » bougonne Tyler Jérôme, à peine le chef- jardinier a taillé la route sur ses petites jambes torses, « …Venez par-là les bleubites, que je vous tuyaute sur le boulot.

demain, chap 15 : « L’arbre à tomates »

« MARS 2221, roman » (chap 11 : Relevé des ventes)

Lectrice, lecteur,

En ce samedi ensoleillé, toi qui, égaré(e) dans l’antre d’un libraire indépendant de sa volonté, hésites entre ses piles de remontées de maltraitances incestueuses trop longtemps réprimées et d’autres, encore plus intrépidement érigées, de « polars » dégoulinants de cadavres atrocement mutilés retrouvés dans le coffre d’une Merco à demi carbonisée par un flic désenchanté dont la fille a été kidnappée et violée pendant qu’il essayait de poser une crotte douloureuse à cause d’un cancer du colon que son ami d’enfance devenu chirurgien célèbre avait pas eu le temps d’opérer avant de se faire décapiter par un patient schizophrène, tout ça bien sûr au fin fond de la sombritude humide des îles Shetland phagocytées par la mafia chinoise, toi qui t’es pas déjà rabattu(e) sur une « série » Fletnix qui te dépossédera en un weekend de tes dernières synapses opérationnelles, voici, pour te redonner goût à la bonne littérature innovante, ton extrait quotidien de «   MARS 2221, roman ». Enjoy !

11. Relevé des ventes

 Anthéa est assise à côté de moi sur mon pieu. Le dernier de la rangée de gauche, dortoir n°4. On a tous été déclarés bons pour le service. Un bot magasinier nous a remis notre paquetage : serviette de toilette, brosse à dents, un jeu de sous-vêtements à faire renouveler tous les deux jours à la blanchisserie et – incontournable sous peine de se voir refouler des serres –  une combinaison aseptique avec cagoule et masque intégré. Le chef jardinier nous attend demain matin à 6 heures, pour nous expliquer comment on enfile tout ça.

– Qu’est-ce qui se passe ? T’as pas l’air en forme d’un seul coup ! C’est vrai que ça l’affiche mal pour un ex Haut Conseiller aux Finances de se voir relégué aux travaux agricoles…

– Désopilant.

D’ordinaire je suis réceptif à l’humour d’Anthéa mais ce soir je me « fais vieux », comme on dit. Le « projet » de Marcel-la-Menace et ses conséquences directes et indirectes sur le cours de mon existence m’a jamais autant pété les couilles. En bon disciple d’Hippocrate, son obsession à Marcel c’était que son Sage entre les sages de patient s’accrochât à la rampe le plus longtemps possible mais, ma parole, 269 printemps et plus ça commence à faire ! D’accord à en croire le Torbicovédongba et sans convoquer des phénomènes de l’état civil comme Brahma ou Vishnu, comparé à Mathusalem (969 tours de soleil), Yared (962), Mahalalel (895) je suis un rookie dans le business de la longévité. Ok, des trompe-la-mort professionnels comme Arpakshad (438), Shélah (non pas « Sheila », elle ça fait un bail que son école est finie) (433) ou Eber (464) auraient eux aussi des leçons de patience à me donner mais nan, franchement ce soir, si quelqu’un pouvait me dépanner d’une pilule de l’Oregon… Mettons deux pour être sûr…

– Excuse, ça doit être le voyage.

Je m’en veux de faire la gueule. Elle y est pour rien, Anthéa. Je me repasse nos galipettes en rentrant du concert silencieux. C’est là qu’entre deux figures de style je l’avais briefée sur mon CV atypique. Ma love affair avec une présidente de la république l’avait explosée.

– Comme ça t’as un super pouvoir ? » elle m’avait demandé.

– J’ai eu avoir un super pouvoir. Puis je l’ai perdu. Puis retrouvé. Puis reperdu. Même que le Poutine, il demanderait pas mieux que je le reretrouve. À mater sa montre en or et ses bagouzes et comment il bave devant les pubs de dômes privés et autres modules de plaisance, pas de doute qu’il saurait quoi en faire, de mon super pouvoir. Je suis pas à l’aise quand il louche sur mon quart de brie…

Anthéa avait hoché sa jolie tête avant d’ étouffer  un bâillement.

– D’après pépère moi aussi je suis une rareté ! Il a commencé à me faire l’article sur un émir qui serait prêt à faire de ma vie un rêve éveillé…

Cette nuit-là, en comparant nos données, on était tombé d’accord que plus vite on se casserait de la Résidence, mieux on s’en porterait. Sachant qu’une fois dehors restait le problème de la survie dans un environnement hostile. Le climat bien sûr mais aussi les querelles inter blocs et leurs retombées radioactives qui rendaient plus qu’hasardeuse une virée hors dôme. Sans parler des Mad Max de bénitier qui guettaient les infidèles au virage  pour les découper en menus morceaux avec la bénédiction pleine et entière des trafiquants d’armes.

– On est pas obligés de rester moisir sur Terra, tu sais lapin. C’est juste que deux allers simples pour Olympus Mons Terminal, ça coûte bonbon.

Je sautais pas de joie à l’idée de passer trois semaines à vomir mes tripes sur un voilier solaire mais si ça pouvait éviter à Anthéa d’avoir à satisfaire les fantasmes d’un pompeur de pétrole vicelard…

– Bonbon comment ? Plus de 140 729 kreds ?

à suivre demain…

Taïaut taïaut Retailleau ♫ + « MARS 2221 » (chap 6 : Un gros dodo, suite et fin)

Taïaut taïaut Retailleau ♫ Dernier délire du morveux, « coprince d’Andorre, Chanoine de Latran et Prince des veneurs » (sic) et sa bande de malfaisants : la chasse aux OQTF est ouverte !

Si seulement ça pouvait faire des vacances aux lapins, lièvres, perdrix, perdreaux, faisans et autres adorables petites cailles. J’en avais encore une ce matin sur le rebord de ma fenêtre. Trempée, affamée, apeurée, traquée par tous ces psychopathes en roue libre depuis 15 jours et autorisés, pendant les 5 mois à venir, à massacrer tout être sensible à poils ou a plumes osant vivre sa vie loin de l’enfer des bipèdes et leur Shoah des Animaux.

Que dire de l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté, bien décidés à euthanasier au berceau l’impression à la demande en général et «  MARS 2221, roman » en particulier?

Et tiens, puisqu’on en cause :

résumé : en route pour les Jardins Suspendus, le narrateur est, semble-t-il victime d’une nouvelle remontée hippocampique

 – Tranquillou! Les joies de la XM et sa chouette suspension hydraulique !

– Tu vas pas être malade hein son pépère ? Tu vas pas nous dégueulasser le VTT de Poupi ! Comment elle l’appelle déjà ?

On est au début des années 1990. Poupi c’est ma nouvelle compagne. Elle nous a précédés en train 400 bornes plus bas sur la carte pour aérer sa maison de famille perchée sur les hauteurs du Cantal et dans laquelle elle m’a offert de passer l’été. Quand j’ai dit à Bruno J. que j’avais besoin de convoyer deux vélos direction le trou-du-cul du monde, il en a parlé à son pote Bruno B. qui a dit « no problemo ». Bruno B. est un jeunot dingue de vitesse. Bagnole ou moto, du moment que ça speede, il est partant. 

Ma situation professionnelle a pas évolué depuis ma confidence au gars Souchon. Comme il fallait s’y attendre, l’iceberg des goûts merdeux du public a direct envoyé mon « Titanic » par le fond. Je continue à financer mon paquet de chips du soir espoir à la sueur de mes petits doigts agiles. À ce titre, l’année dernière j’ai reçu la visite d’un grand chevelu en Perfecto qui voulait s’initier aux claviers. Encore un à qui j’aurais pu suggérer de faire comme j’avais fait 15 ans plus tôt : tu te payes un « Magnus Electric Chord Organ 391 » en promo chez Tcharfour, tu voles une « Méthode Rose » au marchand de musique du coin et tu t’enfermes dans ta piaule pendant six mois. J’aurais pu mais j’avais un loyer et un pochon de beu hebdomadaire à financer alors j’ai dit « bienvenue à bord, jeune homme ! ». Le mec était cool. Notre relation prof / élève a rapidement viré pote / pote. Quand il est pas à bosser son piano, Bruno J. taquine la basse. Ça tombe bien. La passion de Gilou (le bassiste historique de Chère Crainte) pour le J&B a atteint des sommets, au point de le rendre de plus en plus violent envers son environnement matériel ou humain, pour des motifs presque toujours incompréhensibles. À la dernière répèt’ j’ai dû me réfugier dans les chiottes pour survivre. Bruno suce pas de la glace non plus mais, comme moi, il est surtout fumette. Il s’est bricolé un petit home studio tout confort dans lequel on passe des nuits à enregistrer. Et à se taper des barres non-stop.

– Rose Bonbon.

– Haha ! Rose Bonbon !!! Jar !

Bruno B. dit pas « genre » mais « jar ». Est-ce parce qu’il est originaire du sud de la France (« Genre » => « jannre » => « jar ») ? Ce serait la seule trace d’un accent qu’il a perdu depuis longtemps. Pas comme cette habitude détestable de conduire avec les genoux pendant qu’il chauffe son shit puis prépare délicatement le mélange détonnant, avant de manufacturer à 180 quelle que soit la météo. Bon mais vaseux comme je suis, pas question de m’offrir à œuvrer à sa place et on va pas réveiller Bruno J. « London Calling » à fond les baffles, les phares des bagnoles en face, l’orage, la pluie diluvienne, ça le fait roupiller, Bruno J. ! En me tassant un peu je parviens à me caler en PLS entre Rose Bonbon et Tornade (c’est le nom de mon spad à moi). Un truc pointu me rentre dans la joue. Un pignon de dérailleur, on dirait…

C’est pas un dérailleur mais une boucle de ceinturon. Je me redresse tant bien que mal.

– C’est ce qui s’appelle un gros dodo, ça madame ! Ils sont pas trop raides comme oreiller, les genoux d’Anthéa ?

à suivre demain

 

 

Continuez à demander « MARS 2221 » !

La semaine dernière je vous lâchais un petit topo sur l’impression à la demande, emprunté au blog que j’ai ouvert sur (Club) Médiapart . Voilà que je récidive. Ce matin je leur ai posté un complément alimentaire de mon expérience amoureuse avec la librairie indépendante française et ce soir je peux pas m’empêcher de vous en faire profiter, bande de veinards ! Cela dit, les cèlzéceux qui préfèrent le lire là-bas, c’est toujours gratos, sauf les likes (ils disent « recommander ») et les commentaires. Par contre y a pas les images, pas le temps.

Ça s’appelle : « Impression à la demande, etc… (suite et fin) »

Ou « Quand un mini sondage pointe un maxi grain de sable dans les rouages (trop) bien huilés du commerce de la littérature. »  C’est parti !

Pour ceux qui n’auraient pas lu « Impression à la demande, librairie indépendante, écologie et littérature », en début d’année j’adresse le PDF de mon dernier roman à 560 libraires indépendants. Je reçois une dizaine de retours. Qui disent tous la même chose : « les livres en impression à la demande ne sont pas bienvenus chez nous ». Un de mes correspondants s’en explique.

« Bonjour,

et bonne année également.

Commander des livres, c’est notre quotidien.

Mais les commander chez votre éditeur qui pratique l’impression à la demande cela nous arrive lorsqu’un lecteur nous le demande1. Aucun retour n’est possible chez cet éditeur d’où ma frilosité pour en avoir en stock. »

« Aucun retour n’est possible ». Fort de cette explication, je développe la théorie suivante : venu le moment de garnir ses tables et remplir ses rayons, le libraire indépendant sent son indépendance mollir : l’éditeur de l’ouvrage qu’il s’apprête à exposer s’engage-t-il bien à reprendre les invendus ?

Si sa boutique fonctionnait sur le principe de l’impression à la demande, le malheureux n’aurait pas à flipper de la sorte. Le débarrassant au passage de sa chronophage gestion des stocks, l’IAD lui permettrait de se concentrer sur l’essentiel, savoir : le bouquin a-t-il une chance/mérite-t-il – à son avis éclairé – de trouver un public ? Sans parler de la trace carbone de l’industrie du livre – sujet de préoccupation majeur (ou pas) de tout professionnel de l’édition  – qui, grâce à l’IAD, chute drastiquement…

N’empêche que le jetage absolu dont j’étais victime avait de quoi alimenter ma parano naturelle. Les libraires n’étant pas à priori de mauvaises personnes, allez savoir si, dans leur écrasante majorité (550/560) ils n’avaient pas trouvé mon bouquin tellement naze que la plus élémentaire charité chrétienne leur intimait d’en rester là. Quant aux rarissimes (10/560) m’ayant gratifié d’un retour, leur aversion pour l’impression à la demande était-elle autre chose qu’un alibi des plus élégants qui leur épargnait de me renvoyer à mes piètres qualités d’auteur ?

Après des nuits d’insomnie, je décidai d’en avoir le cœur net et me lançai dans un nouveau mailing. Cette fois je me limiterais à ce que j’imaginais être la crème de la crème de la librairie indépendante française. J’écumai le bottin des grands centres urbains. Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse… Pour la petite histoire, les librairies bordelaises se révélèrent terriblement avares en adresses-mail ! Bref, triées sur le volet hexagonal, 152 librairies indépendantes eurent l’honneur et l’avantage de recevoir le courriel suivant :

« Sujet : Sondage-éclair

Bonjour librairie X,

Dans l’optique d’une tribune intitulée «  Impression à la demande, stocks, invendus et écologie », merci d’avance de votre réponse à ce sondage-éclair. Il vous suffit de me faire un retour mentionnant le numéro de la question suivi de « oui » ou « non ».

Toute remarque annexe touchant à la trace carbone de l’industrie du livre ou au principe de l’impression à la demande est plus que bienvenue.

1) Avez-vous lu le PDF de « Mars 2221, roman » que je vous ai adressé en date du 02/03/24 ?

2) Avez-vous mentionné à votre clientèle l’existence de ce livre, afin que des personnes potentiellement intéressées puissent vous en passer commande ?

3) Si vous ne l’avez pas lu, prévoyez-vous de le lire un jour et, si vous en pensez du bien, d’en parler à la frange de votre clientèle potentiellement intéressée ? »

Comme pour le PDF, j’ai eu très très peu de retours2. Tous identiques :

Au hasard :

– Librairie des D…

1-non

2-non

3-non

 

– Les T…

1) non

2) non

3) non

 

– Librairie T…

Bonjour monsieur

Pour nous, la réponse est non aux trois questions

Cordialement

 

– Librairie L… N…. B…

Bonjour,

1 NON

2 NON

3 NON

Bonne journée.

 

– L…en T…

Bonjour Monsieur,

J’espère que vous allez bien. Le lien entre votre « sondage » et le sujet de la tribune n’est pas explicite. Et en l’état les réponses que je vais apporter à vos questions relèvent davantage d’une problématique liée à la distribution (les retours à l’éditeur) qu’à l’impression à la demande.

1) Non

2) Non

3) Non

Belle journée à vous,

En restant à votre disposition,

On comprendra que j’aie gardé ce mail pour la bonne bouche, dans la mesure où il met au jour une tragique évidence. Les libraires indépendants n’ont pas encore intégré que la « problématique liée à la distribution (les retours à l’éditeur) » disparaît avec le choix du système de l’impression à la demande.

Quoi qu’il en soit, à l’heure où j’écris ces lignes vous me voyez assis le cul entre deux chaises.

Dois-je me réjouir du fait que mes qualités littéraires n’ont rien à voir avec la fin de non-recevoir que la librairie indépendante hexagonale oppose à mon bouquin ?

Ou me lamenter à la pensée que, malgré tous mes efforts en ce sens :

1) aucun libraire indépendant n’a lu mon « Mars 2221 »

2) aucun client de sa librairie n’est au courant que « Mars 2221 » est commandable, sinon recommandable 😉

Mais surtout que :

3) jamais libraire indépendant ne lira « Mars 2221 » de sa propre volonté ». Si d’aventure un de ses clients apprend que ce livre existe, ce sera par Google (qui le dirigera direct sur Google Books, voire Amazon).

Et encore plus surtout 🙂 au-delà de ma déception personnelle, que penser de l’obstination de la librairie indépendante hexagonale à balayer d’un revers de manche un système de commercialisation aussi équitable, logique et écologique que l’impression à la demande ?

 

Franck Richard, auteur indépendant

 

Il ne manquerait plus que le pauvre gars se voie opposer un refus !

À  moins qu’il/elles en décident autrement, les noms et adresses des libraires (que je remercie de leur participation au sondage) resteront entre eux/elles et moi