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Message crypté

Vous auriez tort de croire que je cherche à tout prix à vous extorquer vos précieux 3,49 €. En vrai c’est que j’ai trop pitié de vous, de vos yeux chassieux, de vos oreilles pendantes, pour cause d’overdose de « séries » de daube ingurgitées ce we et/ou (m’adressant ici aux moins atteints par l’ablation neuronale collective en cours, i.e à ceux/celles qui savent encore ce qu’est un livre) de  polars mal écrits, aux contenus abjects, répétitifs, de bédés sans intérêt et pourtant hors de prix, de mangas pour djeuns retardés, de webtoons ( !) sans parler de toutes les leïlaslimâneries et autres houellebectations débectantes injectées de force dans le circuit par le cartel de l’édition phronçaise.

La preuve que je pense qu’à votre bonheur : vu qu’on est lundi et que vous êtes pas tous à vous éclater dans un gymnase d’Aix-les-Bains en attendant de déclencher votre avalanche annuelle de ski(eur)(euse) sur cailloux, je vous rebalance en intégralité le 50ème chapitre de « MARS 2221, roman », un chapitre d’anthologie particulièrement anthologique dont j’ai même pas eu besoin d’améliorer une syllabe en vue de la MAJ à paraître ce mois-ci, ebook uniquement  (voir le message crypté de la photo ci-dessus à l’intention de nos indécrottables libraires « indépendant(e)s » (rires)).

 

  1. Rien ne va plus

Le plafond se remet à tournoyer comme jamais. Et vas-y que je te secoue nébuleuses, quasars, pulsars, falzars, satellites naturels, quasi satellites, météoroïdes, planétoïdes, hémorroïdes, ceintures d’astéroïdes, bretelles de géantes gazeuses pire qu’un vibreur de tronc dans une oliveraie andalouse. À une vitesse de rotation qui relègue le Do-Dodonpa du Fuji-Q Highland Park – dit le « briseur d’os » – au statut de tourniquet de bac à sable !

– Rien ne va plus !

J’aurais envie de répondre à Jean-Pierre que c’est pas un scoop mais je suis trop occupé à serrer le cul, en proie au démon de l’incertitude. Et si j’avais eu tort de me fier à mon rêve ? Si ce que j’ai pris pour le cri du blé n’était qu’un acouphène à retardement dont le Peregrin SF4 et ses champs gravitationnels asymétriques portaient la responsabilité ? J’ausculte nerveusement l’excroissance qui prospère sous mon front. Le jour du pokson chez Wilma mon blair était resté égal à lui-même. C’est que plus tard,  période « Sage entre les sages » qu’aux dires de Legrand le phénomène avait commencé à se produire, légitimant l’hypothèse « Ganesh » de Marcel-la-Menace.

Alors que je gamberge dubitatif, le manège enchanté entame une brusque décélération, précipitant les corps célestes les uns contre les autres comme autant d’usagers d’un train bondé dont un plaisantin vient de tirer le signal d’alarme. Collisions élastiques, inélastiques (les plus douloureuses) générant autant d’ondes de choc spectaculaires. Puis, le plafond ayant cessé de tournoyer, s’installe un équilibre précaire entre les forces de gravité et l’énergie thermonucléaire induite. D’ultimes réactions de fusion unissent alors Prodigieux et Merveilles dans d’indicibles cosmicoïts qui se poursuivent à l’intérieur du trou noir d’arrivée. Qui, dans un burp bigbanguesque, sous les « oh ! » et les « ah ! » d’un public conquis,  régurgite enfin la combinaison gagnante.

Mort de trac, j’ose pas regarder. Une éternité s’écoule avant que…

– Lapin !!! LAPIN !!! ON A GAGNÉ!!! LES 6 DANS L’ORDRE!!! T’es un boss !!!

Anthéa m’enlace, me roule des patins, m’invite à danser, me saute sur le dos en poussant des cris de cow-boy. C’est là qu’on entend un glapissement. Suivi d’un bruit de chute. À l’idée de ce qu’il va devoir lâcher pour un sexté dans l’ordre Eliot Ness nous a fait une syncope ! Il gît inanimé au pied de sa bulle antigrav. Le croupier est le premier à se précipiter à son chevet, qui lui tarte copieusement le museau en guise de premiers secours.

– Volöd ! Volöd ! Par le Grand Pierrot reprenez vos esprits ! Vous n’y êtes pour rien ! La Direction fera jouer l’assurance !

Redoublées, retriplées, les baffes finissent par sortir Eliot de son coma.

– Aïe ! Ouille ! Arrêtez, ça fait mal ! Gé… Gérald ? C’est vous, Gérald ? Qu’est-ce qui vous prend ? Et qu’est-ce que je fais par terre ? Ah je me souviens ! Un S… SEXTÉ !!! UN SEXTÉ DANS L’ORDRE !!! Une possibilité sur… Sur…

– Sur 72 681 840, pas une de moins ! Regardez ! J’ai refait trois fois le calcul !

Un petit bonhomme à lunettes en qui je reconnais le professeur Tournesol – l’AEP est de plus en plus vintage, je trouve – exhibe à la ronde le portable qu’il a pas lâché depuis son entrée dans la salle. Je l’avais repéré, le pote à Tintin ! Il misait jamais sans avoir d’abord pianoté un bon moment sur sa minicalculatrice.

– Si cela vous intéresse, je peux aussi vous aider à établir le montant des gains de ces jeunes gens…

« MARS 2221, roman » (chap 56 : « Explication rationnelle », suite)

Le contexte :

– à force de serrer les fesses, le dernier éditeur phronçais vient de rouler sous sa chaise à porteurs, faisant trébucher ses poulains maousses costauds.

– le dernier client de la dernière « librairie indépendante » vient de mourir de rire.

Décongelés en catastrophe, les frères Goncourt décident d’en finir une bonne fois avec la littérature pathético chiatique dans laquelle les derniers rescapés du « Nextflip swindle » se noient un à un.

résumé : Ah d’accord !

– * Votre présence inattendue aux abords de l’Aïeul avait rendu incontournable une opération « soucoupe et petits hommes verts »… C’est un nom de code pour…*

– Je sais, votre belle-mère m’a briefé sur vos redoutables techniques de camouflage. Donc ce soir-là c’était pas un revenant en armure pris d’un accès de nostalgie pour son ex nid d’amour ? Vous me rassurez !

On a quitté les filles un peu plus tôt que d’habitude, elles prennent leur service de bonne heure demain matin. Il doit être dans les minuit, une heure du mat’. On arpente la petite allée goudronnée qui serpente entre les arbres. Il y a un mahousse genévrier près de la grille, derrière lequel on planque la 204 (en voulant décalaminer le piston de son Soldo, St-Mégland a égaré une vis forcément introuvable en terre calédonienne. Maintenant sa bécane broute comme pas possible alors on prend ma chiotte pour bouger). On approche des ruines du château médiéval qui donne son nom à l’hôtel. La lune est énorme.

– Qu’est-ce que c’est ce bruit ?

– Quel bruit ?

– T’entends pas ? Derrière nous… Comme un bruit de ferraille…

– Ça y est je l’entends… Ça se rapproche… On dirait des pas plutôt…

– Le gardien tu crois ? Depuis quand on ferre des bottes en caoutchouc ?

L’allée décrit une courbe serrée. Si ce sont bien des pas, on devrait pas tarder à voir le marcheur nocturne déboucher de derrière le bouquet d’arbres… Nada ! Les pas prennent le virage mais le marcheur reste invisible ! …Et continue d’avancer sur nous !

– C’est pas possible !!! Qu’est-ce que c’est que cette embrouille ??? Allez viens on se casse !!!

Avec St-Mégland on croit pas spécialement aux fantômes mais bon, la pleine lune, les ruines, le marcheur invisible, le tout copieusement arrosé… Tellement arrosé qu’on peut pas s’empêcher de se marrer en détalant. C’est nerveux comme on dit.

J’émerge en continuant à rigoler comme un bossu.

– Excusez-moi, Gd’Ye-Asi ! Je suppose que le french kiss de cette nuit avec le pilier en marbre de Céphée m’a relancé l’hippocampe…

Gd’Ye-Asi comprend pas de quoi je parle mais c’est pas grave. Elle demande pas mieux que rigoler elle aussi.

– Arrivés à la grille en moins de temps qu’il en faut pour le dire on avait enfourché ma mobylette qui avait fini par démarrer et taillé la route. Dans un vacarme d’enfer vu que j’avais semé mon pot d’échappement dans la banlieue de Glasgow…

 

…la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 44 : « Photon mapping », suite et fin)

Plus je relis avec vous « MARS 2221, roman », plus je suis certain de  jamais remettre les pieds chez un libraire indépendant (rires). Du moins pas avant que ces braves gens aient compris l’intérêt vital que représente l’impression à la demande  pour 1) la littérature inventive et intelligente 2) les amateur(e)s de littérature inventive et intelligente 3) les libraires suffisamment inventifs et intelligents pour espérer atteindre un jour à un semblant d’indépendance.

résumé : Peregrin SF4, mode d’emploi…

– J’admets qu’une mise à niveau serait pas inutile.

– C’est très simple. Une fois à l’intérieur de l’habitacle, il suffit à Monsieur d’évoquer mentalement la destination que Monsieur désire rejoindre – réception, galerie commerciale, Shaker… – et, ce faisant, appliquer la paume contre la cloison.

– L’enfance de l’art ! Et pour appeler l’habitacle ?

– Monsieur toquera légèrement au lifter… Comme ceci…

Tout à la surprise causée par la déco rien moins qu’inattendue pour une chambre d’hôtel, j’ai pas noté, dans mon dos, la disparition de la cabine à l’intérieur du cylindre argenté que le groom appelle le « lifter ». Pour la faire réapparaître, un toc toc désinvolte contre le métal brillant et coucou, la revoilou ! Son empressement à sauter dedans me confirme que Spirou 2 a sa dose de mézigue pâteux.

– Je souhaite à Madame et Monsieur un séjour agréable. Pour tout complément d’information, technique ou administratif, un personnel dédié se tient jour et nuit à la disposition de Madame et Monsieur.

– Cool, mec. Nos amitiés à ce bon vieux marsupilami !

– Monsieur ?

– Nan rien. Merci pour tout.

Je tapote mes poches. Le vide me répond.

– Je suis ultra short en liquide juste là mais promis, si votre « Shaker » m’est favorable je saurai me souvenir de votre dévouement à la cause !

Une heure plus tard Anthéa, à poil et fraîche comme la rose, me rejoint sur le sofa interactif  (assise vibrante et le toutim) alors qu’à travers la baie vitrée je me perds dans la contemplation du lac. J’en suis à ma troisième vodka à l’herbe de bison.

– Phobos et Déimos ! Les lunes de Mars… Mate-moi leurs reflets sur l’eau… Comme ils ondulent au gré de la brise nocturne…  Plus vrais que nature !

Anthéa acquiesce. Et, normal, ramène sa science.

– Ces bonnes vieilles images de synthèse 3D ! Tu sais que les premières expérimentations de « photon mapping » remontent à 1994 ? T’étais déjà un grand garçon à l’époque ! Si tu t’étais intéressé à autre chose qu’à ta musique de loser, tu aurais appris que quand ils interagissent avec une surface, les photons virtuels peuvent être absorbés ou réfléchis. Les algorithmes du mapping n’ont plus qu’à prendre tout ça en compte et roule ma poule ! Tu vois lapin, moi ce que je trouve vraiment balèze c’est l’horizontalité du lac.

Je m’étais fait la même remarque en arrivant. Si on tient compte de l’inclinaison « manette de jeu vidéo vintage » voulue par les architectes du resort, la moquette devrait être en pente et le lac depuis longtemps à sec.

– Y aurait du graviton là-dessous que ça me surprendrait pas ! Tout se passe comme si, à Skomäth-Hellian, les théoriciens quantiques et les tenants de la relativité générale avaient fini par se mettre d’acc… Lapin ! T’exagères !

– T’aimes pas ?

– Si…

 

…demain chapter 45 : « Fallue normande »…

« MARS 2221 » (chap 26 : Mine de rien (suite et fin))

résumé : Anthéa et lapin se payent un urbex et orbex à la recherche de Darius…

Je congédie sans états d’âme le fantôme de la postière. Passée de l’autre côté du comptoir, Anthéa désire me montrer le tableau de mini écrans de contrôle, partie prenante du système de vidéo surveillance de la mine. Pour qui, pourquoi, trois d’entre eux continuent à faire le taf… Sur le premier on reconnait la façade devant laquelle le taxi nous a déposés. Un second balaie le couloir (je repère le logo des cagoinces). Sur le dernier écran on navigue en territoire inconnu. Un espace ouvert, assez vaste avec une sorte de caverne en arrière plan.

– Là… », Anthéa effleure l’écran d’un ongle perspicace, « …c’est pas un des rails qu’on apercevait d’en haut ?

– « Je me souviens ce jour-là, avec Darius on avait réussi à atteindre l’entrée des galeries… »

– Qu’est-ce que tu racontes ?

– Endymion Calmann-Lévy, mémoires d’outre-tombe.

– Ah ok.

Ma chérie à zéro nibards est full focus sur le haut de l’écran.

– J’ai vu un truc bouger… Choufe ! Ça recommence ! Là, par terre… À côté du rail… Tu vois pas ?

– Peut-être bien…

Elle se retourne.

– La porte là… Je parie qu’elle donne sur l’intérieur du bâtiment.

Sûre de son coup, Anthéa se dirige vers ladite porte. Miracle, la cellule photo électrique fonctionne toujours. Dans un grincement poli, le panneau métallique taché de rouille cède le passage.

– Qu’est-ce que je disais ! Ouah c’est gigantesque là-dedans !

Je sautille à mon tour jusqu’à l’ouverture. Sans commune mesure avec la vastitude colossale des Jardins, c’est vrai que le hangar en impose malgré tout. Il fallait ça pour accueillir les tunneliers, jumbos de forage, excavatrices et autres grues qui géraient le déchargement des wagonnets de retour des galeries. Fini les « tourniquets » des gueules noires aux poumons ravagés par la silicose. Plus question d’abattage manuel. Ni d’explosifs rudimentaires, aussi néfastes à la santé de l’artificier qu’à la stabilité de la roche environnante.

– Le loft que ça ferait ! » Anthéa délire, « …Aller prendre ta douche en skate, le matin ! Ton bowling perso…

– Ta note de chauffage perso…

– Là-bas dans le fond ! Le no man’s land de l’écran de contrôle !

Vivement intéressée par la large ouverture visible à la sortie du hall de gare, Anthéa slalome entre les barres d’alésage tordues, châssis, glissières rouillées et roues de coupe tournantes édentées en attente du passage des encombrants. Je fais ce que je peux pour lui filer le train mais mes prothèses me retardent.

– Attends-moi ! Où t’es ? Je te vois plus !

– Un bras !!! C’EST UN BRAS !!! Un putain de bras !!!

 

…demain, chap 27 : « Remote Control Impulse System »…

« MARS 2221, roman » (chap 15 : L’arbre à tomates)

À l’intention des nouveaux arrivants, ici sur fyr ou sur mon blog Médiapart, bienvenue chez un auteur-éditeur qui aime se relire et pas que pour s’auto congratuler. « MARS 2221, roman » papier est en vente depuis mars 2024 en mode « impression à la demande » mais les libraires « indépendants » 🙂 ont trop à faire en tant que fourgues des cartels de la page imprimée pour lire et éventuellement conseiller à leur clientèle le travail d’un auteur-éditeur (pour plus de  détails, lire ici Demandez « MARS 2221, roman »  et aussi Continuez à demander « MARS 2221 » ou sur Médiapart :  Impression à la demande, librairie indépendante, écologie et littérature + Impression à la demande, etc… (suite et fin) .

« MARS 2221 » existe également en livre numérique (ebook, kindle), ce qui me permettra un jour d’en publier, à moindre frais, une version 2.0 comportant les menues corrections / améliorations que la présente relecture me suggère au jour le jour. Je tiens toutefois à préciser que, globalement, jusqu’ici « MARS 2221 » me satisfait tel quel. Rapide, musclé, intransigeant, différent, je le recommande chaudement à des cerveaux rapides, musclés, intransigeants et (là est la clé) différents.

 

15. L’arbre à tomates

255 ans en arrière sur Terra les mornes plaines du Hurepoix se la jouaient pas encore désert de Gobi. Pour se faire un peu de maille pendant les vacances d’été, avec Serge on avait tenté de s’enrôler dans un contingent de ramasseurs de pommes de terre. Trop jeunes, on s’était fait jeter. Trois jours aux Jardins m’ont suffi pour comprendre que c’était ce qui pouvait nous arriver de mieux. J’ai les reins en capilotade.

Comme toujours Anthéa a su tirer son épingle du jeu. L’ayant vue rafistoler les doigts dans le nez un tapis roulant qui donnait des signes de faiblesse, Tyler Jérôme s’est dit que cette surdouée méritait un autre karma que remplisseuse de cageots.

– Dis ‘Théa, ils ont pas besoin d’un arpète au service maintenance ?

– Depuis quand tu fais la différence entre une vis Philips et une Pozidriv?

– Je demande qu’à apprendre.

– Il est mignon ! Cela dit…

– Cela dit ?

– Depuis le temps que tu me serines avec tes talents de planteur de beu…

Janville/Juine, printemps 1982. Le propriétaire bègue de la jolie petite maison près du lavoir a dédécidé dede la memettre en venvente. On est priprioritaire pour l’a’acheter mais on a papas la thuthune. Anyway c’est le commencement de la fin de ma longue, tendre mais chaotique histoire sentimentale avec Sa Majesté Mulot 42 (nom de code de Marie). Elle rentre à Paris. Elle kiffe la vie là-bas. Pas moi. Denis, le designer de la pochette de « Titanic », est l’heureux locataire d’une grande baraque à Cerny, un bled voisin. Il offre de nous héberger, mon piano et moi, le temps que la gloire et ses retombées financières nous sourient. Une grande baraque avec un grand jardin. Un très grand jardin. Tellement grand qu’impossible à entretenir dans son entièreté. Les hautes herbes, les ronces et les orties ont pris possession de l’ancien verger. Parallèlement on en a marre d’engraisser les dealers, donc… Mais aux premiers coups de bêche, le moral retombe. La terre est dure comme du ciment. Vingt ans qu’elle a pas connu, ne serait-ce que le gratouillis d’une binette. Kurt (le choriste-saxophoniste-pharmacologue de Chère Crainte, présent sur « Titanic ») passe souvent dans le coin. Il a pas tout à fait terminé de claquer en dope et en restos l’épargne-logement que ses honnêtes commerçants de parents constituent à leur fils unique depuis le jour sa naissance.

– On oublie l’arrosoir. Il nous faut une irrigation à la hauteur.

Ayant dit, Kurt déclare prendre en charge la note de flotte. Et financer les soixante mètres de tuyau nécessaires à son acheminement vers la plantation. N’ayant rien de spécial à faire de mes journées de starlette en stand-by, je propose de mettre ma force de travail au service de la communauté. En une semaine je fais surgir du désert un îlot de terre vierge de toute racine, absent du plus minuscule caillou. Un îlot de cinq mètres sur quatre on ne peut plus propice à la culture intensive du cannabis sativa sisativa samva. Le terme « îlot » est d’autant mieux approprié que, tout autour, j’ai creusé une tranchée de trente bons centimètres de large sur une vingtaine de profondeur. Cette tranchée recevra chaque matin, grâce aux moyens techniques de Kurt, un apport en eau claire susceptible d’entretenir jusqu’au soir et quelle que soit l’ardeur du soleil un micro climat propice à la germination heureuse d’une bonne centaine de graines du meilleur cru. Rebelote à la tombée de la nuit. Un mois et quelques m3 plus tard, une bonne centaine de jeunes pousses vigoureuses manifestent leur volonté de s’enraciner au cœur de notre jardin extraordinaire. Fin août, elles se sont transformées en une bonne centaine de pieds hauts d’un mètre cinquante à deux mètres. Une « française » pleine de promesses dont nous tardons pas à déguster les feuilles du bas, torréfiées à point dans une grande poêle. Kurt, toujours lui, se charge de l’opération. Il appelle ça une « fricassée ».

Qu’est-ce qui te fait sourire ?

– Je souris moi ? Un rictus de douleur. J’ai plus de dos. Tu disais pour mes talents de planteur?

Anthéa se penche par-dessus son assiette.

– Entre toi et moi, il s’en passe de belles dans l’arbre à tomates.

demain la suite …