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« MARS 2221, roman » (chap 55 : « Le voyage en Calédonie », suite et fin)

– C’est vrai, j’ai oublié de vous dire. Si nous avions planté nos canadiennes encore humides sur la rive tourbeuse du Loch Oich c’était because la motorway nous ayant recrachés à Fort William, charmante bourgade de la côte ouest écossaise et que, posés sur un trottoir nous laissions refroidir nos bécanes, d’un bus régional était descendue une jolie brune aux yeux clairs. Qui s’était jetée dans les bras de monsieur le baron. La jolie brune s’appelait Sandra. St-Mégland la connaissait de l’été précédent. Profitant d’une place libre dans la 2CV d’aînés en partance pour l’Écosse, il était passé par Aberdeen, où elle habitait. Les géographes vous diront qu’Aberdeen se trouve sur la côte est. Ce qui rendait d’autant plus statistiquement improbables pareilles retrouvailles.

Dois-je entrer dans les détails ? Confesser à Gd’Ye-Asi ma culpabilité étonnée d’avoir au bout d’une quinzaine remplacé St-Mégland dans le cœur de la belle Calédonienne ? Nan, c’est le « Glengarry Castle Hotel » qui l’intéresse, Gd’Ye-Asi, pas ma vie sentimentale. Je me borne à lui expliquer qu’avant de remonter dans son bus, Sandra nous avait parlé d’un camping au bord du Loch Oich. À Invergarry très précisément. Un tout petit bled, une vingtaine de miles au nord de Fort William. À propos, si Sandra se trouvait à Fort William ce jour là c’est qu’elle profitait de son day-off hebdromadaire pour faire un brin de shopping. Un day-off octroyé par la direction du dortoir pour touristes chicos dans lequel elle avait dégotté un summer job de réceptionniste.

– Le « Glengarry Castle Hotel ».

Sourire entendu de Gd’Ye-Asi. Qui m’invite à poursuivre.

– Toute heureuse d’avoir retrouvé son french lover de l’année passée, Sandra nous invitait à venir casser une graine le soir même. Suffirait de se faire discrets, se faufiler à l’arrière de l’hôtel et grimper les trois étages de l’escalier de service sur la pointe des clarks, direction la staff-room.

 

…demain chap 56 : « Explication rationnelle »…

« MARS 2221, roman » (chap 55 : « Le voyage en Calédonie »)

  1. Le voyage en Calédonie

Un peu que ça me parle, le « Glengarry Castle Hotel » ! Contre toute attente, avec St-Mégland on avait eu notre bac. Pour célébrer une connerie fallait bien enchaîner sur une autre ! L’Écosse à dos de Solex pour monsieur le baron, de mobylette pour moi. Malgré l’avis défavorable de Jipé-l’escroc-repenti rapport à la cruelle absence d’amortisseurs (lire Hippocampe Twist et plus faire caguer) j’avais craqué pour une « Peugeot 204 » (pas la bagnole du même nom bien sûr, pour la petite histoire sachez que j’ai jamais passé de permis de conduire quoi que ce soit). Un chouïa plus rapide qu’un Soldo, la 204 mais surtout, même sans amortisseurs elle tenait mieux la route. Voire l’autoroute. Comment ça, les véhicules de moins de 50 cm3 étaient pas admis sur l’autoroute ? Ok en France on se serait fait gauler au premier péage mais en Angleterre, les motorways c’était open bar alors pourquoi se gêner ? Vu la distance à parcourir, on allait quand même pas se farcir l’itinéraire vert !

Deux siècles et demi plus tard, les mânes des flics de la M1 qui avaient fini par se décider à nous interviewer en sont encore à se gratter la tête. Qu’est-ce que c’était que cet objet roulant non identifiable ? Avec le moteur sur la roue avant ! Au moins l’autre jeune froggy, là, aplati sous son sac-à-dos obèse, une guitare coincée entre les jambes, sa tente mal arrimée brinquebalant sur le porte-bagage, au moins sa monture ressemblait à quelque chose de techniquement apparenté à une motorbyke. D’où, chez nos mounted police, un réflexe international de solidarité motardière. Ils s’étaient contentés de checker nos assurances, sans se rencarder sur leurs cylindrées. Et nous avaient laissé repartir comme des fleurs nous faire klaxonner par les camions. Ils roulaient déjà super vite les cametars dans l’Angleterre des années Beatles. J’angoissais ma race à les voir raser le frêle esquif d’un St-Mégland en lutte permanente contre les bourrasques déstabilisantes, sa cape de Zorro transparente battant désespérément de l’aile dans la pluie diluvienne. Une pluie qui nous avait accompagnés sans mollir pendant des jours et des jours. Jusqu’à ce qu’à bout de forces, survivants incrédules, on échoue dans un camping au bord du Loch Oich. Un trou d’eau moins légendaire que le Loch Ness, son voisin du dessus sur la carte, mais qui valait quand même son pesant de pittoresque. C’était dans ses eaux saumâtres qu’en 1600 et quelques, le chef du clan Mac Donald avait ordonné qu’on lavât les têtes de sept enkiltés ennemis qu’il venait de faire sauter à la hache. Pour marquer le coup, un sculpteur inspiré avait bricolé une chouette colonne en pierre avec les sept tronches grimaçantes plantées au sommet. Pour autant la clientèle de l’épicerie-souvenirs-cigarettes-cartes postales qui s’était ensuite montée de l’autre côté de la route se bousculait pas au portillon. L’épicier avait largement le temps de nous remâcher l’anecdote chaque fois qu’on venait renouveler notre stock de ses délicieux petits pâtés en croûte passés de date qui composaient notre ordinaire.

Gd’Ye-Asi est un peu perdue. Le « Glengarry Castle Hotel » dans tout cela ?

 

…la suite demain…

« MARS 2221 » (chap 41 : « RIP Antonin Panenka », suite)

 

«  Ô frères et sœurs des années 2220, si seulement vos ancêtres avaient passé plus de temps à s’éclater au babyfoot, il leur en serait resté d’autant moins à consacrer à leurs empoignades sanguinaires entre gentils (eux) et méchants (les autres). Et encore moins – méchants et gentils réconciliés pour l’occasion – à appliquer quotidiennement la solution finale à des milliards de milliards de bestioles moins bien placées qu’eux dans la putain de « chaîne alimentaire ».  »

 

résumé : que les meilleurs gagnent…

Un « gosse » (ou « photo » ou « flash ») c’est quand un arrière veut dégager mais que sa balle contrée par l’avant adverse repart direct au fond de sa cage. C’est très agaçant. Mustalpha en fait la cruelle expérience, me permettant d’inscrire rapidement un deuxième but. C’est ensuite que ça se gâte pour les « jeunes ». Plus moyen de passer les demis de l’amiral qui eux, par contre, rentrent dans les miens comme dans du beurre. Anthéa fait ce qu’elle peut mais les balayages hypnotiques de son tourmenteur la prennent en défaut trois fois de suite. Jolie série mon amiral ! La victoire est en passe de changer de camp. C’est sans compter sur un sursaut d’orgueil qui à deux reprises, coup sur coup, me fait trouver le chemin du but adverse. 4 à 3. Les boules claquent sur les bouliers. Manque plus qu’une Disque Bleu filtre laissée à fumer dans le petit cendar en métal pour me propulser à travers siècles dans l’arrière-salle de Chez Georges (remember « Hippocampe Twist ») . Vacarme des barres télescopiques qui s’écrasent contre les flancs des six tables en batterie, jurons des habitués…  Ô frères et sœurs des années 2220, si seulement vos ancêtres avaient passé plus de temps à s’éclater au babyfoot, il leur en serait resté d’autant moins à consacrer à leurs empoignades sanguinaires entre gentils (eux) et méchants (les autres). Et encore moins – méchants et gentils réconciliés pour l’occasion – à appliquer quotidiennement la solution finale à des milliards de milliards de bestioles moins bien placées qu’eux dans la putain de « chaîne alimentaire ». Encouragés en cela par de prétendus « nutritionnistes » scientifiquement persuadés que les protéines non animales nourrissent pas leur bipède et surtout qu’un apéro sans sauciflard c’est pas un apéro.

Sous l’emprise de l’ire vengeresse que l’évocation de ces nécrophages irrécupérables a fait monter en moi, je m’autorise un « coup de bourrin ». C’est quand on shoote des demis assez fort pour faire rebondir la balle contre la ligne de but adverse et la réquisitionner avec un avant. Moyennement élégant mais légal. J’enchaîne sur un « snake », technique de frappe vicieuse comme tout qui consiste à stopper net en plein balayage ! Le temps que Mustalpha réagisse, d’une pirouette de mon avant-centre en arrêt sur image j’expédie la balle au fond des filets désertés. Horriblement vexant. 5 à 3.

La sentant piaffer et au fait de ses qualités d’attaquante, je propose à Anthéa de prendre les avants pour les deux balles restantes.

 

la suite tomorrow

« MARS 2221, roman » (chap 28 : « Ladies and gentlemen ! », suite et fin)

Sur Terra 2024, pom pom girls et cow-boys ont confié leur avenir crainteux à un certain Donald Schtroumpf.

Meanwhile, sur « MARS 2221, roman » Anthéa, gender fluid clone / part time high level computer scientist est en plein boulot sur la tête de Darius…

– Nous y sommes ! À moi ma canne à pêche magique !

La suréquipée pioche dans son matos une sorte de grosse vis qui une fois activée se met à ronronner comme un chat devant son bol de croquettes. Elle en applique la tête contre le minuscule bloc de titane maintenant accessible. Y a plus qu’à mouliner en douceur. Un instant plus tard, Anthéa exhibe son butin à un public fictif.

– Ladies and gentlemen, le disque dur du sieur Darius ! Dans les temps anciens, hacker l’unité centrale d’un andro nécessitait l’appui logistique de périphériques dédiés, plus tout un outillage encombrant et hors de prix. Mais ces temps sont révolus ! Sous vos yeux ébahis, se jouant du chiffrage de protection et profitant lâchement d’une vulnérabilité dans le firmware du composant informatique, la Grande Anthéa va s’ouvrir l’accès aux données qu’il contient. Le tout en moins de trois minutes ! Pour ce faire je vais demander à mon assistant ici présent de bien vouloir me tenir l’objet deux secondes.

Re farfouillage dans son bordel. Ayant sélectionné la clé USB idoine, la « Grande Anthéa » me reprend délicatement le boîtier des mains.

– Merci lapin, tu es formidable.

Elle a le droit de se foutre de ma gueule. Abstraction faite du bagage plus que correct en stéganographie qui, on s’en souvient si on a lu « Hippocampe Twist », m’avait permis de me prémunir contre les manigances de Legrand, plus nul que moi en ingénierie informatique, tu peux faire tous les zoos de la ville pour trouver.

La hackeuse applique la clé contre le cube de métal. Le dispositif adhère à sa proie comme une sangsue.

– Cherche, ma fille ! Cherche !

Au terme d’un suspense insoutenable, un bip victorieux.

– Et une session utilisateur débloquée, une !!! Sauf qu’on n’y voit goutte, là-dedans ! Heureusement, j’ai pensé à prendre ma torche, hi hi !

Ce disant, Anthéa connecte son iPhone 325 à la clé de déverrouillage. Aussitôt sur l’écran s’affiche un menu indigeste de lettres et de chiffres assaisonnés de points, de virgules, de points virgules, de « tirets du 6 », du 8 et autres barres de fraction simples ou doubles. Du tac au tac, sollicitant l’appui logistique d’une flopée de logiciels embarqués, l’experte en « html » tape sur le clavier de son mobile une série au moins aussi interminable de ces mêmes hiéroglyphes. L’échange de points de vue entre l’iPhone 325 et le moi profond du sieur Darius commence à dépasser largement les trois minutes promises. Le visage d’Anthéa exprime une concentration totale. Les doigts agiles virevoltent sur les touches silencieuses, reformulant sans relâche les assignations cul-de-sac, ré incrémentant les variables improductives jusqu’à ce que… Wallalluhiachem Shaktiwang !…

– YYYEEEEEEEESSSSSS !!!!!

 

demain chapter 29 : «  POV » …

« MARS 2221, roman » (chap 25 : « Ganesh, le retour » )

Lecteur(e)s des années 2220 je vous kiffe. Ca change tout d’écrire pour vous. Les autres, il est temps de vous trouver une série pour le weekend.

 

  1. Ganesh, le retour

Les privilégiés qui auront réussi à télécharger Hippocampe Twist se souviennent certainement d’une partie de poker d’anthologie chez Wilma. Un jackpot d’enfer entre St-Mégland, Brice et mézigue.

Aux autres je dois quelques éclaircissements. En ma prime adolescence, alors que dans la solitude de ma chambre je m’initiais aux subtilités proto électroniques d’un orgue de supermarché, il advint que sur la teutê me tomba une étagère pleine de bordel. Le tout finissant sa course sur le clavier de l’instrument. Produisant en cela un accord plaqué déchirant qui était parvenu aux oreilles de ma mère. Qui lorsque je l’avais rejointe en bas dans la cuisine avait pas manqué de s’enquérir de l’origine d’un tel « barrissement ». C’était le terme dont elle avait usé. Curieusement, une centaine d’années ayant passé (et au terme d’un suivi thérapeutique discutable sur lequel on reviendra pas), le professeur Marcel s’était cru justifié à voir en ma personne un des innombrables avatars de Ganesh, la divinité hindoue à tête d’éléphant. D’où, affirmait l’éminent neuropsychiatre, mes singulières poussées proboscidiennes (j’en avais profité pour enrichir mon vocabulaire) ainsi que l’acouphène non moins singulier que j’avais à endurer chaque fois qu’était fait mention en ma présence d’un événement lié à un enrichissement quelconque, avéré ou potentiel. Normal, expliquait Marcel, puisque Ganesh possède – entre autres pouvoirs – ceux de dispensateur attitré de l’abondance matérielle et de grand protecteur des comptes en banques à neuf zéros.

– …Lointain, étouffé mais parfaitement reconnaissable, je l’ai entendu ce putain de « barissement », Anthéa ! Là, dans le cristal ! Le même qu’au bahut, lorsque confronté à Michel Édouard à qui j’essayais sans y croire de soutirer une ristourne sur un paquet de gâteaux secs. Ou à Jipé-l’escroc-au-tiercé en train de me taxer une Rothman’s rouge sous l’abri à poubelles de la cantine…

– Tu me rassures…

– Comment ça je te rassure ?

– Ton espèce de gros bouton de fièvre, là…

Anthéa se tapote le bout du nez. Elle se fend la poire.

– …Je t’imaginais déjà avoir chopé un staphylocoque doré ou je ne sais quelle maladie nosocomiale éruptive en vogue au CHU de La Ferrière. Ah tiens, pendant que j’y pense, à l’accueil ils m’ont dit que Kembaçkuk avait signé ton bon de sortie.

– Sans déc’ ? Je croyais qu’il voulait d’abord me faire passer une dernière batterie de tests…

Anthéa secoue ses boucles peroxydées.

– Sa contre-performance avec le fémur d’Endymion doit être en cause. Il préfère se faire oublier pendant une semaine ou deux, quitte à lever le pied sur ses turlutaines d’implants aphrodisiaques.

Je regarde là-haut, au-delà du plafond.

– Merci Endymion ! Éclate-toi bien au paradis des baroudeurs !

 

…demain chapitre 26 : « Mine de rien »…