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« MARS 2221, roman » (chap 41 : « RIP Antonin Panenka »)

Ya pas que le bal de réouverture de ND de Paris truqués dans la vie ! Rendez vous compte ! Depuis le 17/09/24 , puisque les libraires indépendants (rires) se refusent ouvertement à faire leur travail nous relisons (et, le cas échéant, améliorons)  ensemble « MARS 2221, roman ». Gratos. Et avec le sourire. Faut dire que « MARS 2221 » n’engendre guère la mélancolie. D’où le désintérêt des dealers de cellulose imprimée ?

  1. RIP Antonin Palenka

L’abbé Pierre, ça vous parle ? L’appel de l’hiver 1954 ? « « Mes amis, au secours… Chaque nuit, ils sont plus de 2 000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu… ». Bah pourquoi ça vous parlerait après tout, enfants du 23ème siècle ? Depuis 1954 et sans forcer leur talent les bipèdes ont réussi à faire beaucoup, beaucoup plus fort dans l’égoïsme de masse, les œillères et les boules Kiès au palpitant dès qu’il est question de solidarité entre mortels.

Tout ça pour dire que le gonze qui sort des cuisines et s’avance vers nous à petits pas en essuyant ses lunettes avec son tablier évoque à s’y méprendre le père fondateur des Compagnons d’Emmaüs. Nous ayant rejoints et repositionné ses verres Sécu sur son méga pirtoin, il nous jauge. Longuement. Anthéa surtout. C’est moi ou son regard bleu délavé s’éternise sur sa silhouette unique, ses lèvres sans pareilles, son grain de peau venu d’ailleurs ? Décidément « y a pas d’âge pour la quéquette », comme disait Charles De Gaulle. De Gaulle ou Kennedy ? Je sais plus. Au terme du scan un sourire appréciateur étire le blanc neigeux des poils de menton les plus célèbres du catholicisme caritatif. Mustalpha sort l’amiral de son rêve éveillé.

– Me ferez-vous l’honneur de me confier vos arrières ?

– Pardon ? Heu ah oui, très bien, qu’il en soit ainsi ! Les jeunes contre les vieux !

L’amiral a la même voix de coin-coin que l’abbé Pierre. À nouveau concentré sur son sujet, il effectue quelques balayages de chauffe. En « commerce » (avec l’arrière des joueurs, on dit aussi « en marteau »), puis en « cassette » (ou « pince », balayage en avant des joueurs), passes, blocage, tapotage pour tester la dureté de la balle, re balayage, re blocage c’est clairement pas un rookie, l’amiral ! Il prévient :

– À Skomäth-Hellian comme ailleurs, râteaux, pissettes et reprises sont rigoureusement proscrites, bien entendu !

– Bien entendu ! », acquiesce Anthéa qui prend place à ma gauche.

Les barres coulissent nickel. Un matériel soigneusement entretenu. La balle d’engagement que l’amiral positionne à l’ancienne entre les jambes relevées de nos demis centraux est neuve sans être une savonnette.

– Prêt ?

– Prêt.

Nous laissons simultanément nos joueurs retomber. La balle choisit de rouler vers mon aile gauche. Je la bloque, la ramène au centre puis vers la droite et là, d’une pichenette, je la glisse entre les demis adverses. Récupération en marteau avec mon avant droit. Mustalpha a opté pour une défense réflexe. Mauvais choix. Ouvrir la ligne de tir d’un expert ès aller-retour ? Tout sauf judicieux. Passe rapide à mon avant-centre qui commence à balayer. Gauche, droite, gauche, droite, de plus en plus vite. Le tapis adhère impeccablement. Je sens mon vis-à-vis commencer à douter. Pour preuve le voici qui tente de se rabattre sur une défense dite « naturelle » histoire de boucher au max la trajectoire d’un tir dont il pressent l’imminence. Je profite de la micro seconde de changement de garde pour patater. Goal !

 

la suite demain

« MARS 2221, roman » (chap 40 : « L’amiral »)

Les yeux du morveux s’accrochaient désespérément au prompteur dans un karaoké de la mort-qui-tue. « Les autres ont touzours tort… moi z’ai touzours raison… zeuzolympiks… vive la raie, vive la Phronce, toussa… » Mais au fond de son cœur de midinette il ne pensait qu’à ce grand garçon à la blonde chevelure qui, un jour, lui avait pris la main et l’avait entraîné sur le dancefloor… Donald avait promis d’être là samedi pour le bal de réouverture de Notre-Dame de Paris truqués… Il enverrait Brizitte lui chercher un verre d’orangeade et, enfin seuls tous les deux, ils pourraient… Ils pourraient…

 

Mars, Skomäth-Hellian, deux siècles plus tard…

  1. L’amiral

Mustalpha nous propose de le suivre. Nous arpentons avec lui l’étroit ponton. De chaque côté sont amarrés différents types d’embarcations légères. Des canots pareils au nôtre, des pirogues, des canoés-kayaks mais aussi des barques plus spacieuses, de petits dériveurs dont la voile frémit sous la brise légère (du vent dans les profondeurs martiennes ? ) et même un pédalo ! Devant mon intérêt affiché pour cet esquif minimaliste, indissociable de grandioses étés d’enfance à la mer, Mustalpha fait amende honorable.

– Mon équipementier a insisté pour que j’en prenne un à l’essai. Honnêtement je n’étais pas emballé par la photo du catalogue mais le succès qu’il rencontre auprès de la clientèle va m’amener à en commander une flottille !

Nous gagnons la tonnelle de l’établissement. Malgré la nuit approchante, quelques plaisanciers s’attardent encore devant leurs boissons rafraichissantes. Mustalpha marque une pause devant la table d’un couple entre deux âges.

– Maîtresse Lawü et son époux sont ici depuis une semaine. À ce jour ils n’ont pas manqué un seul coucher de soleil sur le lac.

Maîtresse Lawü confirme.

– Comment se lasser du spectacle ? Ce camaïeu de mauve, ces nuances orangées…

J’admets que dans la catégorie « biotopes intelligents », le ludomaine de Skomäth-Hellian pète les scores ! Recréer un ciel aussi céleste, un soleil aussi solaire ! Relayé sous peu par un clair de lunes si parfaitement lunaires dans leur écrin d’étoiles naissantes… Le tout à cinquante bornes à l’intérieur de la croûte martienne… Remettez-moi deux ronds de flan, la patronne !

Mustalpha nous introduit.

– Voici Anthéa et Lapsonami. C’est leur première visite à Skomäth-Hellian.

Maîtresse Lawü s’emballe.

– Du sang neuf ! Nous sommes descendus au Corona Borealis, n’hésitez pas à passer nous faire un coucou. Les cocktails n’y sont pas aussi sublimes que ceux de l’Aquadrome mais…

– Maîtresse Lawü est trop indulgente !

Un dernier rond de jambe et Mustalpha nous pousse en douceur vers l’intérieur de sa guinguette au bord de l’eau. La verrière coulissante ouvre sur une vaste salle. D’un mur à l’autre court un zinc en coquillages avec des dizaines de boutanches alignées derrière. Partout des posters à dominante aquatique et des filets de pêcheurs incrustés d’étoiles de mer. Mustalpha a pensé aux jeunes. Un jukebox, deux flippers et, je vous le donne en mille, là-bas au fond…

– Un BONZINI !!!

À l’intention des incultes, « Bonzini » c’est la Lamborghini des babyfoots. Mais attention, on est quelques puristes à exiger… D’ici je vois pas. Je tends le cou… Mustalpha sourit.

– Soyez sans crainte. Ce sont bien des poignées rondes ! Une partie ?

– Carrément ! », approuve Anthéa.

Quand nos destins se sont croisés, Anthéa ne connaissait du baby que ce qu’elle en avait lu dans « Hippocampe Twist ». Ça lui avait suffi pour craquer. Problème, y avait pas de baby à la Résidence. Pas grave, sur mes indications pourtant approximatives, elle te nous avait bricolé un Bonzini plus Bonzini que l’original. Dès les premières parties elle s’était révélée une babyfooteuse hors pair.

– Amiral ! J’ai ici deux passionnés de football de table qui ne demandent qu’à vous faire prendre du retard dans votre vaisselle !

 

…la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 39 : « Actualisation environnementale »)

 

 

  1. Actualisation environnementale

–  Qu’est-ce qui s’est passé ? Où on est ?

– *Dans un canot. Un canot de randonnée.*

Et cette purée de pois là, d’où elle sort ?

Ayant décollé les paupières à mon tour, je partage l’étonnement d’Anthéa. C’est à peine si je distingue ses fesses idéales posées sur le banc de nage. La Croupière Générale nous briefe depuis le pontet dans mon dos.

* Un halo de brume quantique. Résultante pseudo physique de la manifestation éphémère d’un couloir de TransVac. Dont le terminal est ce canot, instantanément conçu en fonction de notre réajustement spatiotemporel. Ne me dites pas qu’une soucoupe volante aurait mieux correspondu à vos attentes ?*

La Croupière se fait plaisir. Comment lui en tenir rigueur ?

– *…Une soucoupe flottante tant qu’on y est ! Nous soumettrons l’idée à Mustalpha. Il me semble l’apercevoir là-bas sur l’embarcadère.*  

La brume se dissipe peu à peu. On barbote sur une sorte de lagon d’un bleu-vert transparent. Escorté par un banc de poissons multicolores, le canot dérive au fil du courant. Un courant paisible qui nous pousse vers une construction élégante, montée sur pilotis. À l’entrée se tient un grand type arborant une casquette d’officier de marine. Il se fend d’un large signe de la main avant d’avancer sur le ponton à notre rencontre.

Je m’étonne discrètement auprès de la tortue.

– Je croyais que les bipèdes à poil ras étaient interdits de séjour dans le coin ? Un homoncule ?

– * Mustalpha nous vient tout droit des Marécages de Gloo, système de Markab, l’étoile la plus brillante de Pegasus. Mustalpha est un Amphibien pur jus ! Affable, aux petits soins avec la clientèle, le directoire du ludomaine se félicite chaque jour de lui avoir confié les rênes de l’Aquadrome…*

Un amphibien ? Mais…

– *Mais où sont ses nageoires, ses écailles, ses branchies ? Oh rassurez-vous, elles sont bien présentes. Et plus qu’utiles pour porter secours à l’éventuel baigneur pris de malaise ou au canoteur en perdition. Vous ne pouvez pas les voir, c’est tout ! Apprenez, Lapin…*

Je voulais vous dire… Je m’appelle pas Lap…

– * …Que le ludomaine de Skomäth-Hellian est un biotope « intelligent ». Conçu afin que le résident s’y sente « comme chez lui », quelle que soit son monde d’origine. À la nanoseconde où son cercle d’appel parvient aux Instances du Vacuum, une analyse complète de ses données physicochimiques est diligentée. Les résultats de l’analyse déterminent les algorithmes de son actualisation au sein du biotope. Durant l’entièreté de son séjour, il évoluera dans un environnement qui, sans remettre en cause son référentiel psychophysique initial, saura lui offrir ce que nous pourrions définir comme un exotisme « sur mesure ».*

 Nous c’est Bora Bora, ses lagons turquoise, ses poissons arc-en-ciel…

– *…Bora Bora et Mustalpha ! Si ce dernier vous apparaît sous l’enveloppe d’un « bipède à poil ras », comme vous dites, c’est que les composés évoluant sur le ludomaine se présentent les uns aux autres sous des angles culturels, linguistiques ou physiques en parfaite adéquation avec les leurs. L’AEP y veille en permanence.*

– L’AEP ?

 

la suite demain…

« MARS 2221, roman » (chap 37 : « Un, deux, trois », suite)

Finalement, d’après le morveux, c’est pas grave d’être un criminel de guerre, voleur et escroc notoire, doublé d’un raciste++. « Infanticide », « féminicide », « torture », « famine stratégique », « colonisation systémique », des mots tout ça… Et pis d’abord, quand on est le roi de la Phronce, on a tous les droits divins, dont ceux d’avoir besoin de divins sous, donc de faire caca dans sa divine culotte et retourner sa divine veste dare-dare, hein Brizitte ?

 

Bah nous on s’en fout on est là pour relire «  MARS 2221, roman ».

résumé : la tortue s’explique sur ses « taquineries »…

Lassitude d’un sourire mental non dénué d’amertume.

– *Depuis maintenant deux millions d’années solaires, les signaux en provenance de Terra-la-Honte ne cessent de causer des insomnies au Conseil des Pierrots. Le principe de non-ingérence – alinéa 1 de la Loi d’Expansion Infinie – les contraint d’assister, impuissants, aux dérapages quotidiens d’une espèce suicidaire qui, ces trois ou quatre derniers millénaires, a décidé d’en remettre une couche en s’auto proclamant d’ascendance divine !!! *

La tortue lève les yeux au ciel et lâche un soupir télépathique des plus expressifs.

– *« Dieu » ! Un concept fumeux à manier avec prudence et circonspection ! En tant que Croupière Générale de la Spirale W1745 et de ses clusters satellites – une région de l’univers correspondant grosso modo à votre « Voie Lactée », savoir au bas mot 100 milliards de planètes comprises dans un diamètre estimé  entre 150 000 et 200 000 années-lumière – je sais de quoi je parle.*

Nous nous voyons octroyer quelques secondes de traitement de données avant la suite de la remise à niveau.

– * « Cinquante kilomètres », m’objecterez-vous, « …Pareille profondeur place Skomäth-Hellian hors de portée des gratouillis de la General Irons ! ». Oui et non quand on sait que la mine d’or de Tau Tona, en Afrique du Sud, frise les 4 kms à l’intérieur de l’écorce terreuse ! Ajoutez à cela que – bien que je me fusse toujours opposée à cette pratique, supposée faciliter l’accès aux ludomaines – les badges d’accréditation font également fonction de spatio balises… Confidence pour confidence, Lapin, où diantre ce « Calmann-Lévy » s’est-il procuré celui qui a fini par se retrouver dans votre poche ?*

Je me prépare à insister sur le fait que je m’appelle pas « lapin » – avec ou sans majuscule – mais Anthéa me pousse du coude.

Vas-y, raconte à madame la Croupière Générale. La soucoupe volante… Les petits hommes verts… La partie de chifoumi !

Passant outre le ton ironique d’une Anthéa toujours pas convaincue de la fiabilité des propos du vétéran trop tôt disparu, je m’applique à les rapporter à la syllabe près. J’élude toutefois les hauts et les bas de sa vie sentimentale pour en arriver à l’essentiel : Beinan.

– *Le site archéologique ?*

– Tu vois, Anthéa ! Madame la Croupière Générale connait l’existence du site archéologique de Beinan !

Rasséréné je reprends, à l’adresse de la tortue :

– Sur la suggestion du barman de l’hôtel où il était descendu, Endymion avait poussé jusqu’aux monolithes, fierté du syndicat d’initiative…

– *Fierté justifiée. Stonehenge certes, Carnac bien sûr, Coatlicue, la Pierre de Baalbek… Votre planète regorge d’Aïeux que les Aïgohgulbhs, les Oopsschliks et autres Gröhlins-Gröhlins, pour ne citer qu’eux, ont coutume de descendre honorer au moins une fois dans leur vie… Mais les « Sages de Beinan » et leurs yeux ouverts à jamais sur l’Interminéralité Fondatrice recueillent  tous les suffrages.*

La voix silencieuse passe du registre enthousiaste au questionnement badin.

–  * J’ai également cru entendre la jeune f… hem… Anthéa… mentionner une « soucoupe volante » ?*

… demain la suite…

« MARS 2221, roman » (chap 37 : «Un, deux, trois»)

  1. Un, deux, trois

On poireaute encore plus longtemps que tout à l’heure avant de revoir le minois reptilien.

– *Pardonnez ma lenteur à revenir vers vous mais j’avais besoin de l’aval de ma hiérarchie pour répondre à Lapin. Asseyez-vous, cela risque d’être long.*

– Hem, en fait « lapin » c’est un surn…

– *Tout d’abord soyez persuadés que si n’entraient en jeu des intérêts essentiels à l’équilibre de l’Univers, le Conseil des Pierrots ne verrait aucun inconvénient à ce qu’une entreprise quelle qu’elle soit s’en aille perdre son temps et l’énergie de ses salariés à extraire un minerai omniprésent dans tous les sous-sols d’origine magmatique et – qui plus est – donnant un fer de piètre qualité puisque composé à 55% de soufre. Oui mais voilà…*

Anthéa et moi évitons de justesse une collision de têtes en voulant nous pencher pour mieux entendre. C’est nigaud puisque, vous l’aurez compris, la tortue s’adresse à nous par la pensée. (d’où les astérisques, j’ai pas trouvé mieux) (bonne chance aux réalisateurs de l’audiobook !)

– * …Niché à une petite cinquantaine de kilomètres au cœur d’une planète que les Terreux ont baptisée du nom d’un de ces super héros qui surpeuplent leurs mythologies puériles… Mars, la planète « rouge de colère » !!! Quelle imagination, Grand Pierrot !…*

Balancement accablé de la petite tronche serpentine. On dirait un de ces chiens pendulaires pour plage arrière de bagnole qui hochent la tête avec les mouvements de la route…

– *… Se trouve un des ludomaines les plus prisés chez les composés des Mille Galaxies.*

La tortue prend en compte nos bouches bées et nos yeux comme des œufs au plat.

– * Eh oui, il va falloir vous y faire : « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie ». Hamlet ! Shakespeare ! Un peu cucul la praline mais tout de même moins affligeant que les « Onfray-mieux-de-se-taire », « Beigbeder-à-coudre », « Où-est-le-bec » et autres « BHL-de-poulet » dont les pâtés sonnèrent le glas de l’écriture signifiante. L’aube poisseuse d’un âge de régression intellectuelle qui, aujourd’hui, mène les quelques semblants d’écrivaillons terreux survivants à l’oblitération pure et simple leur alphabet ! *

– Quand je te dis que tu as tes chances, lapin ! Nan, je plaisante !

– *Mais revenons à la question posée. « D’où me vient mon acharnement » ? Eh bien, comme aurait dit le Vieux Marin de Samuel T. Coleridge, je « veille au grain », mes bons amis !*

…la suite demain…