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« MARS 2221, roman » (postface)

Aux visiteurs de fyr / clubistes de Médiapart :

Merci de m’avoir servi de prétexte pour relire (et améliorer) « MARS 2221, roman ». En fait, maintenant que le boulot est terminé, j’ai moyennement envie de vous postfacer quoi que ce soit. Si ça vous a plu, tant mieux, sinon bonne reprise sur Nextflip ! Ce que je vais faire par contre c’est publier une mise à jour de « MARS 2221, roman » au format ebook et, bien entendu, oublier la version papier. Le temps que le neurone des « libraires indépendants » (rires) soit devenu opérationnel. À toi mon Darwin, ça va pas être simple !

Aux lecteur(e)s du 23ème siècle* :

« MARS 2221 » devient « MARS 2221, roman ». Une tentative comme une autre de couper court à toute vélléité de science-fictionnisation. J’aime et respecte certains auteurs labellisés SF mais, puisque les marchands de mots trouvent leur compte à ranger les bouquins dans des cases, le mien ressortirait plutôt de la « littérature générale ». De la « littérature particulière », disons. Un mélange (d)étonnant de fiction et d’autofiction, de romance et d’insolence, d’aventure et d’inventure. Couac il en soit j’avoue humblement avoir pris un plaisir extrême à sa relecture, un an après sa publication ultra confidentielle, autoédition oblige. J’en ai profité pour effectuer diverses petites modifications. Clarté et fluidité sont mes maîtres-mots. Je m’efforce de leur obéir au doigt et à l’œil.

À part ça je souhaite de tout cœur que « MARS 2221, roman » puisse divertir, intéresser et, qui sait, convaincre quelques bipèdes à poil ras de l’évidence qu’ils ont encore tout à apprendre d’eux-mêmes. Et que c’est pas toujours triste.

 

* Préface de « MARS 2221, roman », à paraître très prochainement donc, sur toutes les plateformes de téléchargement.

 

« MARS 2221, roman » (chap 58 : « Bordel ! », suite et fin)

 

 

résumé : rerelire le bouquin (et Hippocampe Twist, tank à fer…)

La fermeture éclair de mon refuge toilé, capricieuse s’il en est, nécessite une manipulation tout en douceur. Il s’écoule une plombe avant que les premiers centimètres patiemment négociés m’autorisent à respirer l’air frais du matin.

Et là c’est la révélation. La résolution rien moins qu’inattendue du mystère du « ronflement aigu et continu » (définition académico laroussistique de « brondissement ») décrit plus haut. Des MOUCHES ! Des milliards de mouches patrouillant en escadrilles serrées, en quête d’un petit-déj’ roboratif. De grosses chemous vertes et bleues bourdonnant à l’envi. Messerschmitts miniatures à l’assaut d’un convoi allié dans une aventure de Battler Britton (Serge avait tous les numéros, au fait qu’est-ce qu’il devient, Serge ? Nos trajectoires existentielles ont tendance à tailler la route chacune de leur côté, faudrait quand même que je récupère ma Hagstrom, une gratte achetée à prix d’or dans un bouclard de Pigalle), les voici décrochant soudainement pour fondre sur leur objectif. Un objectif impossible à définir avec précision dans cet amoncellement en cours de compostage. Matelas éventrés, cartons d’emballage, chutes de moquette, billes de polystyrène mais aussi – mettant fin au mystère de la planche de fakir – bris de verre, éclats de céramique, ferraille de chantier, boîtes de conserve… Tu m’étonnes que j’ai mal partout this morning !

En tous cas ça schmecte. Ça pue, ça cogne, ça refoule des naseaux ! Mon sac de couchage est un pur écrin de violettes en comparaison.

Y a pas, la vie ça schmecte quand ça veut ! Quand ça oublie deux secondes son ascendance divine, glorieuse, majuscule, cerise sur le fraisier de la dure semaine de Création de toutes choses. Quand l’organique décide de s’affranchir du cadre de la bienséance. De l’idéal mystico romantique d’une espèce soi-disant « élue », de son égotisme prépubère qui lui fait reléguer au plan anecdotique, décoratif, le plus souvent alimentaire, l’existence des 1,999,999 autres. 1,999,999 espèces aussi vivantes qu’elle mais qu’elle a décrétées insuffisamment divines et, partant, qu’elle s’ingénie à pogromiser après les avoir doctement, scrupuleusement « découvertes » ( !), inventoriées, classifiées et dûment étiquetées, comme consigné sur sa feuille de route mosaïque.

 

Les dimensions de l’ouverture âprement négociée permettent maintenant de tenter une sortie. Pourtant j’hésite.

Remonter sur ma mob (au cas où elle voudrait bien redémarrer) ?

Direction le merdier des « adultes » ?

Puanteur pour puanteur, est-ce que ce serait pas « mieux pour moi » (haha, on arrivait quand même à se marrer dans ce putain de bahut ! Faudra que je couche tout ça sur le papier un jour, histoire d’occuper mes doigts quand ils seront trop vieux pour la pop music) de rester vivre avec les chemous ? Un remake intéressant de « Joë chez les fourmis»…

 

Sauf que pendant la nuit, sous la pression insistante de quelque rebut métallique aux bords tranchants, le tapis de sol a fini par perdre de sa superbe.

Allant jusqu’à concéder une large déchirure.

De laquelle dépassent, circonspectes quoique prêtes à l’action, les incisives acérées d’un gros rongeur patibulaire.

 

À 17 ans, claboter d’une leptospirose ? D’une fièvre d’Haverhill ? D’une tularémie ? D’un ictère infectieux ?  De la PESTE BUBONIQUE ???

Nan ce serait pas raisonnable.

 

…demain la postface…

 

« MARS 2221, roman » (chap 58 : « Bordel ! »)

  1. Bordel !

Bordel, Je suis un fœtus !

Ça doit pas être longtemps avant ma naissance, j’aperçois de la lumière. Les paupières d’un fœtus s’ouvrent vers le septième mois de gestation, quand la rétine et le nerf optique ramènent leur fraise. À tous les coups Maman se prélasse sous le soleil de Tananarive. En ces temps immémoriaux les Malagasy ont pas encore rejeté leurs envahisseurs à la mer, déclaré indépendante la Repoblikan’i Madagasikara et redonné à leur capitale le nom autochtone d’ « Antananarivo ».

Por qué mes darons se sont mis dans le crâne d’aller me concevoir à onze mille bornes du biotope ancestral, faudra que je pense à leur demander. Quand je maîtriserai les finesses du langage articulé. En attendant, filtrés par l’hypoderme, le derme, l’épiderme et les membranes ovulaires amnios et chorion, les rayons de l’astre du jour mettent leur exubérance tropicale en veilleuse. Ça donne une ambiance tangerine, irréelle, cosy…  Cosy à part que le tapis de sol on dirait la planche à clous du fakir Pinder ORTF.

Le tapis de sol ??? Fœtus mon cul !!! Je me disais aussi cette odeur de fennec… Une poche de liquide amniotique ça peut pas sentir le fennec, voyons ! À part celle d’une maman fennec. Un sac de couchage par contre… Un duvet qui, en trois mois de camping, n’a connu de lessivage que les incursions sporadiques de précipitations torrentielles… Je bâille, vaguement soulagé. Cette clarté orangée…  « Bon dieu mais c’est bien sûr ! », comme dirait l’inspecteur Bourrel de la première chaîne, magistralement incarné par Raymond Souplex, sa bedaine de rentier, sa moustache et sa coupe en brosse sous son drôle de galure. Hier soir en montant ma tente, dans ma hâte de me pager, d’oublier quelques heures la débâcle  de mon été calédonien, j’ai fait l’impasse sur le double-toit. Un double-toit monté dans les règles de l’art nomade offre par son épaisseur calculée une protection renforcée contre les déjections célestes. Autant que sa coloration bleu sombre calme la joie d’un Phébus toujours malvenu sur une gueule de bois.

Sauf qu’hier soir j’avais autre chose à faire que me torcher le museau. Hier soir, proie facile de chauffeurs de gros culs pas tous à jeun, je pensais qu’à sauver ma peau dans ce putain de smog. Bon mais si c’est pas un acouphène endogène du mal de cheveux, à quoi attribuer ce vrombissement ? Ce « brondissement », finasserait Jean d’Ormeusson. L’A260 qui dessert Folkestone et sa banlieue se sera-t-elle nuitamment métamorphosée en un anneau de vitesse sur lequel Graham Hill, Bruce McLaren et Jackie Stewart se tirent une bourre titanesque ?

La meilleure façon de le savoir c’est sortir de la tente. J’en profiterai pour aller prendre des nouvelles de ma chiotte. Pas sûr que l’outillage minimal dont je dispose – une paire de démonte-pneus et une clé de 12 – suffise à régler le problème de la roue bloquée.

…réponse  demain…

« MARS 2221, roman » (chap 57 : « Marjolaine », suite et fin)

résumé : même constat qu’hier.

– Au fait, Gd’Ye-Asi, je voulais vous demander… l’asanjrat serait pas pour quelque chose dans l’histoire ?

Je pousse ma mobylette le plus loin possible à l’écart de la route. En provenance de laquelle les premiers froissements de tôle se font entendre. Ponctués des premiers « bloody hell ! » « Jesus fucking Christ », « you dick head !  », « stupid cow !  », « up your ass ! », « screw your aunty you motherfucker ! »… Comme quoi le flegme britannique a ses limites… 

– *Ce ne serait pas impossible. De récentes recherches ont mis en évidence un rapport de causalité entre l’ingestion même minime de dr’noä bleu et la manifestation, dans le métabolisme de certains composés, d’une singularité de la matière connue depuis des lustres partout dans les Mille Galaxies et tout récemment parvenue jusqu’à l’entendement de la pseudo science terreu… eu…eu…se.*

Si l’ingéson pouvait baisser l’écho sur la voix de ma correspondante, merci.

– *…Qui lui a, semble-t-il, donné un nom… Un nom  qui, comme presque toujours avec la pseudo science terreuse fait de l’effet sur le blaireau moyen mais ne veut strictement rien dire… Quelque chose comme l’ intrac … L’ intruc… *

Le bosquet refuge entraperçu n’est plus qu’à quelques yards …Quand le sol se dérobe ! Un ravin ! Dans ma surprise effrayée, je lâche le guidon. Entraînée par son pesant de ferraille, de guitare et de tente amarrée au porte-bagage, la 204 plonge. 

– L’« intrication quantique » ? « Couantique » comme prononçait Nicolas Martin et ses oreilles en carton ? C’était son kif à Nico le France-Culturiste, d’« esspliquer » des trucs auxquels il comprenait queud, rejoignant sur ce point couantité d’autres prétendus spécialistes de la couestion…

Clank ! Le ravin se révèle un modeste fossé dont ma bécane a presqu’aussitôt touché le fond, la roue avant se déboîtant sous le choc. Après tout elle est bien où elle est, ma noble monture ! Ma guitare pareil. «Un inconnu et sa guitare ♫ dans une rue pleine de brouillard ♫ Marjolaine, toi si jolie ♫… Je vais juste essayer de récupérer ma tente… Je la planterais bien dans la petite clairière entr’aperçue il y a une minute…

– * Nicolas Qui ?  Je vous reçois de plus en plus mal, Lapsonami…i…i…*

Faire gaffe à pas trébucher sur le sol inégal… Heureusement il est pas trop dur… Les sardines s’enfoncent assez profondément pour conférer à mon abri de toile monté à la one again un semblant de solidité…

– L’ « IN-TRI-CA-TION », Gd’Ye-Asi ! Le cat de Schrödinger, à la fois mort et vivant dans sa caisse à savon, ce genre de conneries…

La réponse mentale de Gd’Ye-Asi finit par me parvenir, altérée. D’où, je sais pas… De loin, très très très loin.

– * L’« intrication », oui c’est bien le mo… o… ot ! Écoutez, Lapsonami, il faut que vous sachiez une cho… o… ose ! Dans leur approche, les pseudo chercheurs terreux négligent une donnée essentielle. Le principe de non-localité… é… é des particules en état intriqué s’applique non seulement à l’espace mais au temps. AU TEMPS !!! … Lapsonami ? Lapson…  *

 

…demain 58ème et dernier chapitre : « Bordel ! »…

« MARS 2221, roman » (chap 57 : « Marjolaine », suite)

résumé : un chapter commace ça se résume pas.

Assis sur son barda au bord du trottoir, Monsieur le baron s’en remettra à présent à la compréhension des automobilistes. Il m’exhorte à pas m’en faire pour lui. Sourire du vieux de la vieille qu’en a vu d’autres, fermeté du pouce levé, il me file rencard ce soir au pub le plus proche de l’embarcadère. « Parie combien que j’y serai avant toi et ta mob pourave ? ». Slalomeur au jugé entre caisses en perdition et giga camtars impuissants à tronçonner ce mur de smog gélatineux, je me dis qu’il a gagné son pari. Un coup de volant incontrôlé, un coup de frein trop brusque et ma 204 peut vite se retrouver compressée comme un césar sous les roues du juggernaut de service. J’opte pour la prudence. Je me rabats tant bien que mal sur le bas-côté en misant (contre toute probabilité) sur une accalmie qui me permettrait de repartir comme en quarante. Au bout d’une demi-heure de poireau tout ce que je constate c’est que le brouillard a encore gagné en épaisseur. Sont-ce des arbres là-bas ? Ils seraient peut-être ok pour abriter une humble canadienne perdue dans la tourmente ? Arrêter les frais. Bivouaquer. Demain il fera jour comme on dit… Moins nuit en tous cas…

– *Lapsonami ? Répondez Lapsonami ! Vous êtes toujours avec moi ?*

– Tout dépend d’où vous émettez ! M’est avis que me je suis une fois encore pris les pinceaux dans un « fantasme parallèle induit par une similitude avec une situation dont j’ai gardé l’empreinte mémorielle » ! Un fantasme parallèle à côté duquel la madeleine du gars Proust fait figure de gadget à un galacton …Au cas peu probable où ce grand puceau cacochyme et sa prose à rallonge vous soient familiers, très chère Gd’Ye-Asi !

Un pilier en marbre de Céphée qui se dresse brusquement entre toi et les goguenots et bam ! Tes « facultés mnésiques surcompensées » recommencent à faire des leurs ! Mais ce serait trop long de rencarder Gd’Ye-Asi sur les aléas de mon hippocampe. Depuis ma chute dans l’escalier de la plantation de Valbueno (chute qui, on s’en souvient, avait réactivé l’option « cri du blé », rendant possible ma performance au Shaker) je croyais être débarrassé de ces intrusions plus que gênantes dans ce que le chirurgien Poutine appelait en se marrant doucement – je commence à comprendre pourquoi – la « réalité objective ».

 

la suite « demain » si mon hippocampe est d’accord