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« MARS 2221, roman » (chap 34 : « Les joies de la famille »)

  1. Les joies de la famille

J’ai cru comprendre que lorsque Nivek retournait au discours académique – comme en ce moment – ça sentait encore plus le pâté pour Anthéa et moi.

– …Lors de la signature du contrat, j’avais eu peine à cacher à beau-papa mon étonnement devant le pont d’or qu’il me faisait pour la pose d’un nano-traceur sur un de ses patients, aussi important soit-il à ses yeux. Il avait justifié la somme par le désir sincère de voir le mari de Moushkra (et heureux père des petits-enfants qu’elle ne manquerait pas de lui donner) à l’abri du besoin dans un monde qui n’était que danger et incertitude du lendemain. « Cela étant », avait-il ajouté à voix basse, « je n’ai pas pour habitude de jeter mon argent par les fenêtres… », puis, plus bas encore,  « …Je promets de vous en dire plus dès que vous aurez paraphé la clause de confidentialité en bas de page ». La vérole putride !!!

Ouf, retour à Graveland.

– Apprenez, Maître, qu’au-delà de l’admiration qu’elle voue à son cher papa…

Aïe ! J’ai parlé trop vite.

– …Moushkra lui a toujours reproché de consacrer plus de temps à ses travaux qu’à ses devoirs de géniteur. En contrepartie elle affiche un profond désintérêt pour tout ce qui se trame derrière les murs de sa « maternité ». Longtemps avant notre mariage elle m’avait vaguement parlé d’un personnage célèbre dont on entretenait les fonctions vitales en attendant que la science ait accompli les avancées nécessaires… Nécessaires à quoi, elle n’en savait rien et s’en moquait éperdument.

Nivek crispe les mâchoires.

– …Patience chère Moushkra ! Patience ! Nous serons bientôt réunis ! Je déposerai à tes pieds menus une montagne d’or sonnant et trébuchant. Je vous arracherai, les jumeaux et toi, aux griffes du monstre qui, sous couvert de protéger sa famille, ne pense jamais qu’à lui et lui seul ! Allant jusqu’à instrumentaliser les faiblesses de son gendre pour servir ses entreprises bassement matér… Meeeerde !!! Chiotte ! Bite à couilles ! La vie de ma tante, MAIS POURQUOI J’AI PAS FAIT PHILO ???

Vas-y ! Lâche-toi, pépère ! Dans ces moments-là ta main droite arrête de caresser la crosse de ton plasmok et nous on respire mieux.

– Je vous le garantis, Maître. Jusqu’à hier soir et l’alerte sur mon portable, je ne croyais pas une seule seconde qu’il puisse fonctionner, ce « capteur quantasonique »…

Se tournant vers son comparse :

– Et honnêtement j’étais comme toi, Korbehn. La probabilité qu’un mec – « Sage parmi les sages » ou quoi ou qu’est-ce – entende quelque part dans son moi profond un barrissement venu d’ailleurs dès qu’une occase de faire de la maille pointait à l’horizon, j’avais du mal à cautionner ! Pour dire, quand on lui avait monté ma balise sur les noix, au congelé …

Un réflexe de protection rétrospectif, je porte la main à mon entrejambes.

– …Je pensais à la bonne grosse enveloppe que j’allais enfouiller, full stop ! Rien que son âge, ça tenait pas la route ! À le voir, son VIP devait pas dépasser la trentaine et soit disant que son cerveau tapait les deux siècles et demi ! Pis quoi encore ? Il était temps de raccrocher les gants chirurgicaux, professeur Poutine !

Le rictus sardonique de Kuduort laisse place à une moue songeuse.

– Cela dit, un jour il m’avait sorti un fichier informatique bourré d’articles de journaux des temps prénucléaires…

S’adressant de nouveau à mézigue :

– Comment le nier ? Sur certaines photos vous faisiez plus que décati mais c’était bien vous, Maître. D’autres encore, comme celle où, inexplicablement rajeuni, vous sortez de l’Élysée bras dessus bras dessous avec la présidente de la république m’avaient franchement déstabilisé, j’avoue. Mais de là à avaler sa couleuvre de capteur quantique, à l’autre charogne…

 

…la suite demain…

« MARS 2221 » (chap 33 : « Une couille quelque part », suite et fin)

 

résumé : âmes sensibles, s’abstenir…

Allez je vous explique pourquoi il se marre, le Nivek. Jusqu’à l’âge de douze ans, mes vieux m’avaient laissé vivre en paix ma vie de cryptorchide moyen (kryptos = « caché », orkhis = « testicule»). D’aucuns misent sur le retour du Sauveur, à la maison on se montrait confiant en la descente de ma deuxième burne. « Vous verrez, à la puberté, ça se fera tout seul ! » affirmait le docteur en s’essuyant les pognes dans la serviette éponge que maman, debout à côté de l’évier de la cuisine lui tendait, moins convaincue de visite en visite. La puberté venue, j’avais eu beau palper minutieusement le contenu de mon pantalon de pyjama tous les matins au réveil, si la nuit m’avait porté conseil, ça s’arrêtait là. Un jour le docteur avait dû se rendre à l’évidence.

– Hum ! Ce garçon joue au football. Si d’aventure il recevait le ballon dans les parties, il est indispensable qu’il en ait une de rechange en cas d’écrasement de l’autre. Je propose de commencer par une série de douze injections de gonadotropines. Ce sont là des hormones glycoprotéiques complexes agissant sur les fonctions des gonades.

Deux fois la semaine pendant six semaines, mes parents (et la femme de ménage si elle passait dans le coin) m’avaient plaqué au sol pour que le docteur puisse me shooter sans se prendre une ruade. Résultat mitigé. Les gonadotropines miracle avaient boosté ma production de poils aux mollets et multiplié d’autant mon activité masturbatoire mais las, ni sœur Anne ni personne voyait quoi que ce fût descendre d’où que ce fût. De cryptorchide avais-je été aussi sec promu ectopiste titulaire et le cluster morphosyntaxique « intervention chirurgicale »  articulé (avec la gravité bonhomme engendrée par une dizaine d’années de vivisection animale et autant de découpages de cadavres plus ou moins anonymes) par le pédiatre auquel le docteur avait fini par m’adresser, avec son salut confraternel.

Une semaine plus tard, en trois coups de scalpel et un solo d’agrafeuse, un interne de l’hôpital Bretonneau avait brillamment corrigé l’anomalie potentiellement cancérigène (car, on l’aura compris, c’était là le souci véritable de mon entourage) tapie dans le slip du petit footballeur. Comment ce héros anonyme aurait pu se douter que, pas loin de trois siècles plus tard, au fond d’un tunnel de lave martien urbanisé, évolution oblige, on reparlerait de l’ingénieux croisement de testicules auquel il s’était livré aux fins d’éviter que la couille descendue manu militari se prenne, dans un accès de nostalgie, l’envie de regagner les hauteurs abdominales ?

Donc ouais, Nivek Kuduort était en droit de ricaner : la gonade mâle dont la position centrale sur le corps humain (cf le logo Manpower by Leonardo da Vinci) la qualifiait pour abriter son nano-traceur contre les parasites électromagnétiques, bien que située à gauche en entrant, était historiquement celle de droite.

– Ok mais alors… Si, grâce à votre petit bricolage, c’est par les roupettes que votre beau-père me tient … Son implant à lui…

Kuduort hausse les sourcils et hoche plusieurs fois la tête.

– … À quoi sert-il ? Bonne question. Honnêtement, jusqu’à hier soir, Maître …

Korbehn fixe le plafond en soupirant. Il a vraiment du mal avec l’obséquiosité de son pote.

– Je vous aurais répondu : « à m’arracher à l’affection des miens et rien d’autre ! »

 

… rendez-vous demain pour le chap 34 : « Les joies de la famille »…