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« MARS 2221 » (chap 26 : Mine de rien (suite))

« MARS 2221, roman », de la « science fiction »? ??  Pis quoi encore ? Déjà que la 4ème de couverture parle de  «dystopie» juste pour calmer les angoisses de « l’agence littéraire » qui gère ma paperasse de publication. Et oui, «Ferdinand» c’est bien Louis-Ferdinand Céline. Et non les libraires ont jamais rien eu d’« indépendant » à proposer. Leurs piles c’est pas gratos qu’ils peuvent se les construire. Parlant d’empilement, vous vous êtes enfin trouvé une série glauque et touche-pipi à souhait pour le we ?

 

 

résumé : plutôt que rentrer aux Jardins, Anthéa propose de descendre faire un tour à la mine désaffectée…

– Tu t’en sors avec tes béquilles ?

La porte glissière ayant cette fois accepté de me libérer, je lui montre si je m’en sors avec mes béquilles ! D’un coup de reins qui, contrairement à ma cheville, a rien perdu de sa vigueur je suis dehors avant qu’elle ait eu le temps de déplier ses grandes cannes. Elle me rattrape devant l’entrée principale du bâtiment alors que, dans son dos, le taxi regagne les hauteurs.

Le volet roulant est une version géante de celui de l’église de la Foi Universelle. Sauf qu’il est dûment verrouillé. En quelques enjambées félines Anthéa gagne le coin de la façade. Cri de victoire.

– « L’entrée des artistes », comme dirait Kyste Graisseux !

Je la rejoins. Sur le côté du hangar une porte, métallique elle aussi mais à taille humaine. Au-dessus il y a encore moyen de lire :

« AC  EIL – LIVRA S NS »

Ouv  tu e   9h / 17h »

Le battant fatigué cède à la poussée de ma béquille.

– Après toi s’il en reste !

Un long couloir chichement éclairé par des leds poussiéreux. On avance, moi clopin-clopinant derrière Anthéa sur le qui-vive. On laisse un chiottard sur la gauche avant de parvenir à une nouvelle porte, en verre dépoli. « Sonnez et entrez ». Pas contrariante  Anthéa presse le bouton et, ayant poussé la lourde, passe un museau furtif.

– Nobody in the class-room », elle me renseigne mezza voce.

– Monsieur Darius ? » je contribue, risquant un œil à mon tour.

Le silence persiste. On entre. La pièce baigne dans une lumière crépusculaire, vide de chez vide. Ambiance agence postale après un hold-up. Au mur, on dirait une vitrine d’exposition de timbres rares. Explosée. À défaut de casse du siècle les braqueurs ont dû se rabattre sur son contenu, des fois qu’il puisse intéresser un fourgue philatéliste. Un moment je crains que mon hippocampe ait finalement décidé de remettre le couvert. St Martin d’Étampes, années 2000. Je suis venu poster les formulaires provisoires de mes dernières bluettes à la SACEM, service des dépôts… « Veuillez  indiquer le titre de votre œuvre et en consigner les quatre premières mesures dans le rectangle prévu à cet effet, les paroles au-dessus de la musique ». La postière me sourit connivente. Je lui refile l’enveloppe en papier kraft, ça va encore me coûter des ronds ces conneries…

– Lapin, viens voir !

 

la suite demain si vous êtes sages

« MARS 2221, roman » (chapitre 26 : « Mine de rien »)

Ferdinand serait d’accord avec moi, au sortir de « Veiller sur elle », « Tout le bleu du ciel », « Les Yeux de Mona » et le toutim, c’est pas facile de continuer à respecter son libraire indépendant (rires) ». Heureusement y a Nextflip !

 

  1. Mine de rien

À l’hosto ils veulent me rapatrier aux Jardins en ambulance mais avec Anthéa on négocie l’anonymat d’un taxibot. Il y en a toujours deux ou trois qui patrouillent autour du CHU. Vautrés l’un contre l’autre sur la banquette on regarde défiler les préfabs métalliques. Un étage, deux, trois maxi, fenêtres PVC modèle unique. Ça et là, à la demande de quelque rupin désireux d’être reconnu comme tel, un architecte audacieux a tenté un balcon. J’ai même cru apercevoir un pot de géraniums en plastique. Il est pas loin de midi, les puits de lumière s’en donnent à cœur joie. Je sens le regard d’Anthéa sur mon pif boutonneux.

– Vous êtes quand même un drôle de coco, Maître !

– Nan ! Pas toi, Anthéa !

–  Pourquoi pas ? Tu captes à nouveau le cri du blé dans ton cristal de jarosite oui ou non ?

– Affirmatif. Hyper faiblard mais c’est bien le « son complexe représenté par une courbe périodique, non sinusoïdale et de forme compliquée », selon la définition de madame Dupouy.

– La prof coquine qui montrait sa culotte à toute la classe ? Écoute, à moins que tu sois pressé de retourner te perfectionner en agriculture hydroponique, aujourd’hui j’ai envie de faire les Jardins Suspendus buissonniers… Chauffeur ! Direction l’ancienne mine de fer !

Y a pas de chauffeur dans un taxibot mais le changement de destination a été reçu cinq sur cinq. Docile et silencieuse, la capsule antigrav s’engage dans une artère adjacente. Mêmes alignements de cubes sauf que de plus en plus vieillots, de plus en plus rouillés. À un moment on se retrouve au bord d’une immense cuvette poussiéreuse. Un nouveau « trou des Halles »  de quelques centaines de mètres de diamètre qui plonge par paliers vers une construction en partie délabrée. Une sorte de gare à l’abandon qui darde ses rails dans les flancs rocheux.

– Il y a moyen de descendre ? » Anthéa questionne.

En réponse le taxibot s’engage sur le semblant de piste circulaire. On se retrouve rapidement au pied de l’espèce de bâtisse. Elle a l’air moins pourave que vue d’en haut. Anthéa se tourne vers moi.

– Tu m’as pas parlé d’un gardien ?

– Si. Darius. Endymion en parlait en bien. Puisqu’on est là, on pourrait descendre lui faire part du décès de l’adjudant-chef. Pas plus joyeux que ça comme entrée en matière mais…

Joignant le geste à la parole, j’actionne le loquet d’ouverture de ma portière. Sans résultat.

Le montant de la course est de 9,7 kreds. Quel mode de règlement, je vous prie ?

La confiance règne dans les taxis martiens ! Je me demande combien de gros étourdis ayant omis de se munir de cash ou d’une carte de crédit valide ont été retrouvés momifiés à l’arrière d’une de ces brouettes en titane. Anthéa glisse un biffeton de 10 dans la tirette qui l’avale gloutonnement et recrache 3 boutons de braguette. Ils resteront dans la sébile. On a sa dignité.

 

la suite demain