- Bordel !
Bordel, Je suis un fœtus !
Ça doit pas être longtemps avant ma naissance, j’aperçois de la lumière. Les paupières d’un fœtus s’ouvrent vers le septième mois de gestation, quand la rétine et le nerf optique ramènent leur fraise. À tous les coups Maman se prélasse sous le soleil de Tananarive. En ces temps immémoriaux les Malagasy ont pas encore rejeté leurs envahisseurs à la mer, déclaré indépendante la Repoblikan’i Madagasikara et redonné à leur capitale le nom autochtone d’ « Antananarivo ».
Por qué mes darons se sont mis dans le crâne d’aller me concevoir à onze mille bornes du biotope ancestral, faudra que je pense à leur demander. Quand je maîtriserai les finesses du langage articulé. En attendant, filtrés par l’hypoderme, le derme, l’épiderme et les membranes ovulaires amnios et chorion, les rayons de l’astre du jour mettent leur exubérance tropicale en veilleuse. Ça donne une ambiance tangerine, irréelle, cosy… Cosy à part que le tapis de sol on dirait la planche à clous du fakir Pinder ORTF.
Le tapis de sol ??? Fœtus mon cul !!! Je me disais aussi cette odeur de fennec… Une poche de liquide amniotique ça peut pas sentir le fennec, voyons ! À part celle d’une maman fennec. Un sac de couchage par contre… Un duvet qui, en trois mois de camping, n’a connu de lessivage que les incursions sporadiques de précipitations torrentielles… Je bâille, vaguement soulagé. Cette clarté orangée… « Bon dieu mais c’est bien sûr ! », comme dirait l’inspecteur Bourrel de la première chaîne, magistralement incarné par Raymond Souplex, sa bedaine de rentier, sa moustache et sa coupe en brosse sous son drôle de galure. Hier soir en montant ma tente, dans ma hâte de me pager, d’oublier quelques heures la débâcle de mon été calédonien, j’ai fait l’impasse sur le double-toit. Un double-toit monté dans les règles de l’art nomade offre par son épaisseur calculée une protection renforcée contre les déjections célestes. Autant que sa coloration bleu sombre calme la joie d’un Phébus toujours malvenu sur une gueule de bois.
Sauf qu’hier soir j’avais autre chose à faire que me torcher le museau. Hier soir, proie facile de chauffeurs de gros culs pas tous à jeun, je pensais qu’à sauver ma peau dans ce putain de smog. Bon mais si c’est pas un acouphène endogène du mal de cheveux, à quoi attribuer ce vrombissement ? Ce « brondissement », finasserait Jean d’Ormeusson. L’A260 qui dessert Folkestone et sa banlieue se sera-t-elle nuitamment métamorphosée en un anneau de vitesse sur lequel Graham Hill, Bruce McLaren et Jackie Stewart se tirent une bourre titanesque ?
La meilleure façon de le savoir c’est sortir de la tente. J’en profiterai pour aller prendre des nouvelles de ma chiotte. Pas sûr que l’outillage minimal dont je dispose – une paire de démonte-pneus et une clé de 12 – suffise à régler le problème de la roue bloquée.
…réponse demain…