Archives mensuelles : janvier 2025

« MARS 2221, roman » (chap 56 : « Explication rationnelle »)

  1. Explication rationnelle

Le docteur Legrand brûlerait un cierge à Sainte Cellule Souche au constat de la précision avec laquelle me reviennent en mémoire les acteurs de cet été grandiose. Sandra for sure mais aussi Noddy, la toute jeune chamber maid au grand coeur qui s’était empressée de consoler St-Mégland. Noddy, ainsi surnommée en raison d’un TOC qui, les premières fois, nous avait un tantinet déroutés. « For no particular reason », quand ça la prenait voilà qu’elle nous gratifiait d’un inexplicable hochement de tête (« nod »).

Il y avait aussi Andrew, le butler, la trentaine déjà bien imbibée, qui nous faisait aimablement profiter des boutanches de Glenmorangie de vingt ans d’âge que sa fonction lui permettait de détourner.

Bah puisque ça intéresse la taulière du Red Joystick, je continue de dérouler.

– Le camping n’était qu’à un mile ou deux. Tous les soirs ou presque on jouait les rats d’hôtel pour des fiestas qui se prolongeaient souvent tard dans la nuit.

Jusqu’ici Gd’Ye-Asi  m’a écouté comme une enfant sage à qui on raconte une histoire. Elle plisse les yeux, signe d’une réflexion qui accentue son épicanthus naturel. Avant de laisser tomber :

– *D’où votre présence à proximité des ruines du vieux château au moment précis où ce groupe de pèlerins centauriens s’empêtraient dans leur mise en conformité plastique.*

Embarqué dans mon récit je mets un certain temps à tilter.

– Des pèlerins centauriens ? C’était ça le boucan ? Des pèlerins comme ceux d’Endymion  à Beinan ?

– *Qui est « Endymion » ?*

– Je vous expliquerai. Continuez, surtout continuez s’il vous plaît !

– *Eh bien il arrive parfois qu’une mise en conformité précipitée en sortie de TransVac provoque dans l’environnement spatiotemporel immédiat des émissions sonores incongrues…*

Sur le cul je suis. Il aura fallu deux siècles et demi pour me voir enfin délivrer une explication rationnelle à ce qui s’était passé cette nuit-là dans le parc du Glengarry Castle Hotel ! J’aimerais tellement que St-Mégland entende ça ! Des pèlerins centauriens !!! C’est évident ! Quoi d’autre ?

 

…la suite demain… 

« MARS 2221, roman » (chap 55 : « Le voyage en Calédonie », suite et fin)

– C’est vrai, j’ai oublié de vous dire. Si nous avions planté nos canadiennes encore humides sur la rive tourbeuse du Loch Oich c’était because la motorway nous ayant recrachés à Fort William, charmante bourgade de la côte ouest écossaise et que, posés sur un trottoir nous laissions refroidir nos bécanes, d’un bus régional était descendue une jolie brune aux yeux clairs. Qui s’était jetée dans les bras de monsieur le baron. La jolie brune s’appelait Sandra. St-Mégland la connaissait de l’été précédent. Profitant d’une place libre dans la 2CV d’aînés en partance pour l’Écosse, il était passé par Aberdeen, où elle habitait. Les géographes vous diront qu’Aberdeen se trouve sur la côte est. Ce qui rendait d’autant plus statistiquement improbables pareilles retrouvailles.

Dois-je entrer dans les détails ? Confesser à Gd’Ye-Asi ma culpabilité étonnée d’avoir au bout d’une quinzaine remplacé St-Mégland dans le cœur de la belle Calédonienne ? Nan, c’est le « Glengarry Castle Hotel » qui l’intéresse, Gd’Ye-Asi, pas ma vie sentimentale. Je me borne à lui expliquer qu’avant de remonter dans son bus, Sandra nous avait parlé d’un camping au bord du Loch Oich. À Invergarry très précisément. Un tout petit bled, une vingtaine de miles au nord de Fort William. À propos, si Sandra se trouvait à Fort William ce jour là c’est qu’elle profitait de son day-off hebdromadaire pour faire un brin de shopping. Un day-off octroyé par la direction du dortoir pour touristes chicos dans lequel elle avait dégotté un summer job de réceptionniste.

– Le « Glengarry Castle Hotel ».

Sourire entendu de Gd’Ye-Asi. Qui m’invite à poursuivre.

– Toute heureuse d’avoir retrouvé son french lover de l’année passée, Sandra nous invitait à venir casser une graine le soir même. Suffirait de se faire discrets, se faufiler à l’arrière de l’hôtel et grimper les trois étages de l’escalier de service sur la pointe des clarks, direction la staff-room.

 

…demain chap 56 : « Explication rationnelle »…

« MARS 2221, roman » (chap 55 : « Le voyage en Calédonie »)

  1. Le voyage en Calédonie

Un peu que ça me parle, le « Glengarry Castle Hotel » ! Contre toute attente, avec St-Mégland on avait eu notre bac. Pour célébrer une connerie fallait bien enchaîner sur une autre ! L’Écosse à dos de Solex pour monsieur le baron, de mobylette pour moi. Malgré l’avis défavorable de Jipé-l’escroc-repenti rapport à la cruelle absence d’amortisseurs (lire Hippocampe Twist et plus faire caguer) j’avais craqué pour une « Peugeot 204 » (pas la bagnole du même nom bien sûr, pour la petite histoire sachez que j’ai jamais passé de permis de conduire quoi que ce soit). Un chouïa plus rapide qu’un Soldo, la 204 mais surtout, même sans amortisseurs elle tenait mieux la route. Voire l’autoroute. Comment ça, les véhicules de moins de 50 cm3 étaient pas admis sur l’autoroute ? Ok en France on se serait fait gauler au premier péage mais en Angleterre, les motorways c’était open bar alors pourquoi se gêner ? Vu la distance à parcourir, on allait quand même pas se farcir l’itinéraire vert !

Deux siècles et demi plus tard, les mânes des flics de la M1 qui avaient fini par se décider à nous interviewer en sont encore à se gratter la tête. Qu’est-ce que c’était que cet objet roulant non identifiable ? Avec le moteur sur la roue avant ! Au moins l’autre jeune froggy, là, aplati sous son sac-à-dos obèse, une guitare coincée entre les jambes, sa tente mal arrimée brinquebalant sur le porte-bagage, au moins sa monture ressemblait à quelque chose de techniquement apparenté à une motorbyke. D’où, chez nos mounted police, un réflexe international de solidarité motardière. Ils s’étaient contentés de checker nos assurances, sans se rencarder sur leurs cylindrées. Et nous avaient laissé repartir comme des fleurs nous faire klaxonner par les camions. Ils roulaient déjà super vite les cametars dans l’Angleterre des années Beatles. J’angoissais ma race à les voir raser le frêle esquif d’un St-Mégland en lutte permanente contre les bourrasques déstabilisantes, sa cape de Zorro transparente battant désespérément de l’aile dans la pluie diluvienne. Une pluie qui nous avait accompagnés sans mollir pendant des jours et des jours. Jusqu’à ce qu’à bout de forces, survivants incrédules, on échoue dans un camping au bord du Loch Oich. Un trou d’eau moins légendaire que le Loch Ness, son voisin du dessus sur la carte, mais qui valait quand même son pesant de pittoresque. C’était dans ses eaux saumâtres qu’en 1600 et quelques, le chef du clan Mac Donald avait ordonné qu’on lavât les têtes de sept enkiltés ennemis qu’il venait de faire sauter à la hache. Pour marquer le coup, un sculpteur inspiré avait bricolé une chouette colonne en pierre avec les sept tronches grimaçantes plantées au sommet. Pour autant la clientèle de l’épicerie-souvenirs-cigarettes-cartes postales qui s’était ensuite montée de l’autre côté de la route se bousculait pas au portillon. L’épicier avait largement le temps de nous remâcher l’anecdote chaque fois qu’on venait renouveler notre stock de ses délicieux petits pâtés en croûte passés de date qui composaient notre ordinaire.

Gd’Ye-Asi est un peu perdue. Le « Glengarry Castle Hotel » dans tout cela ?

 

…la suite demain…