« MARS 2221, roman » (chap 45 : « Fallue normande »)

  1. Fallue normande

Qu’est-ce que c’était que ce barrissement ? », me demande ma mère qui vient de me gauler le nez dans le placard de la cuisine, en train de finir la plaque de chocolat blanc Suchard alors qu’on va manger dans cinq minutes. J’ai pas le temps de lui répondre qu’un tricératops arrive au grand galop. Il freine des quatre fers à deux millimètres de nous. Avec deux cornes en moins on dirait le rhinocéros de la blague. Je m’attends à ce qu’il s’insurge : « Ça un chou-fleur ??? Et mon œil !!! » mais non il repart comme il était venu, me laissant dans l’expectative. Ma reum a disparu également. J’avais pas remarqué mais je suis au bord de l’océan. Des rouleaux mousseux émerge alors un poulpe géant. Il me salue à l’hindoue, deux tentacules gluants joints cérémonieusement à hauteur de sa tête d’oiseau migrateur. Et replonge direct, effrayé par la survenue bruyante d’un scooter des mers. Au volant un gorille rose à oreilles de cocker qui m’invite à monter en croupe. On trace vers le large dans un nuage d’écume quand, surgissant de nulle part, non pas un aigle noir, mais une baleine volante. Qui nous couvre de son ombre avant d’amerrir un peu plus loin, pile poil entre deux récifs longs comme des jours sans pain. Vite fait elle replie ses méga battoirs de chauve-souris, lâche un grand jet de vapeur avant de se transformer en courant d’air ! Le gorille se retourne vers moi et me conseille d’attacher ma ceinture, décollage immédiat. Le VNM se transforme en ULM. Je préviens le gorille que je vais sûrement vomir. À ce qu’il m’explique, l’acrophobie est presque toujours liée à d’autres peurs. La peur de l’échec, la peur de pas être comme les autres, la peur de décevoir etc… Craignant pour le skaï de sa selle, il accepte toutefois de me larguer sur un îlot qui vient de se matérialiser sous sa pétoire ailée. Me voici maintenant dans une forêt plus que primaire, à cueillir des champignons en compagnie d’un genre de cochon d’Inde sapé en Arlequin. On sympathise. Il me confie que dans le civil il est ophtalmo. C’est là qu’éclate un gros orage. Sauve-qui-peut général !

– Lapin !!! T’as fini de faire des bonds comme ça ? Et tiens, puisqu’on est réveillés si tu allais nous chercher de quoi petit-déjeuner ?

La voix médium grave d’Anthéa me rapatrie dans le monde réel. Je lui roule un patin, prêt à remettre le couvert mais elle insiste, c’est d’une nourriture plus substantielle dont elle a besoin. Résigné, je m’arrache du pieu, direction la taverna. Je foule l’herbe tendre de la moquette, dans une symphonie d’effluves floraux. Le lis d’un jour au puissant parfum de muguet le dispute au jasmin sensuel et fruité, presqu’animal, et aux gardénias immaculés tout en vanille subtile. Au détour d’un rosier grimpant je tombe sur un labo sophistiqué avec, au milieu, une table et des chaises design.

…la suite demain…