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« MARS 2221, roman » (chap 49 : «L’ enfer du jeu»)

  1. L’enfer du jeu

J’ai demandé à Däk de m’affranchir sur la valeur des chips. Les violets – Eliot Ness m’en a lâché une dizaine – vont chercher entre 20 et 30 galactons pièce. Au cours actuel du galacton, paraît que c’est pas négligeable. La cote des jetons vert pomme – j’en ai récolté un rouleau de vingt-cinq – tournerait autour de « plus ou moins la moitié de celle des violets ». J’ai l’impression qu’à Skomäth-Hellian (et dans les Mille Galaxies en général) le pognon est tout sauf une chose sérieuse. Ce qui, entre autres avantages, permet à chacun de manger à sa faim sans lorgner avec concupiscence sur l’assiette du voisin et encore moins lui chercher des poux dans la tête.

N’empêche qu’au fil des shakes l’ambiance monte. Gagnée par la fièvre du jeu, Anthéa trépigne. À la fin elle craque.

– Passe-moi de quoi jouer, lapin !

Je lui remets solennellement deux jetons verts accompagnés de tous mes vœux de réussite. S’inspirant de la technique de maîtresse Lawü, elle en place un au feeling sur une rangée horizontale et un autre sur une verticale, au feeling pareil. Le croupier actionne le manchon. Le plafond recommence à tourbillonner, les constellations à se tirer la bourre. Les amas galactiques s’écrasent les uns contre les autres dans un festival d’explosions, de fusions, de désintégrations… On se croirait dans le grand collisionneur de hadrons du CERN. Le fameux LHC qui causait tant d’insomnies aux savants de Marseille et d’ailleurs. Ah ce bon vieux « boson de Higgs » ! Plus insaisissable que le dahut, l’animal (appelé également « quark top ») ( tout était top en ce temps-là, « Top 50 », « Top 14 », « Top gun », « Top chef »…) était censé nous servir sur un plateau la connaissance ultime de la matière. L’infiniment petit, clé de l’infiniment grand, poil aux dents. Mais chut, le shake touche à son terme. Les constellations leadeuses viennent de se faire avaler par le trou noir. Les joueurs retiennent leur souffle. Le temps que, guirlande de flatulences un lendemain de cassoulet toulousain, les Prodigieux vainqueurs viennent  gentiment s’aligner,  chacun paré des couleurs de sa Merveille assignée. And the winner is…

Aucun des poulains d’Anthéa.

« Dans le cul la balayette ! », aurait postillonné Alain Finkielkraut, un idéologue tragicomique radio télévisuellement surinvité, en son temps, pour ses réparties inappropriées et ses crises de nerfs judéo machistes. Plus sobrement que Finky, ma chérie secoue dépitée ses boucles platine. Avant de se retourner une fois encore et me tendre sa mimine d’albâtre, les yeux brillants.

– Vas-y envoie m’en d’autres ! Cette fois je suis sûre de mon coup !

L’enfer du jeu. On dirait moi en 1964 à la fête communale de Marolles en Hurepoix. Je retourne à la maison supplier ma mère de m’accorder une dernière avance sur mon argent de poche. Au stand de tir à la carabine à air comprimé ils exigent un carton plein pour la méga poupée convoitée par Marie-Claude. En y repensant, je suis sûr que le forain trafiquait les mires. Hélas pour Anthéa, les shakes se suivent et se ressemblent. Je suggère d’arrêter les frais pour aujourd’hui. Elle veut rien entendre.

– Défaitiste ! Et d’abord c’est toi qui devrais jou… Lapin !!! Ton nez !!! Le bouton, il a triplé de volume !!!

 

…la suite demain…