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« MARS 2221 » (chap 33 : « Une couille quelque part », suite et fin)

 

résumé : âmes sensibles, s’abstenir…

Allez je vous explique pourquoi il se marre, le Nivek. Jusqu’à l’âge de douze ans, mes vieux m’avaient laissé vivre en paix ma vie de cryptorchide moyen (kryptos = « caché », orkhis = « testicule»). D’aucuns misent sur le retour du Sauveur, à la maison on se montrait confiant en la descente de ma deuxième burne. « Vous verrez, à la puberté, ça se fera tout seul ! » affirmait le docteur en s’essuyant les pognes dans la serviette éponge que maman, debout à côté de l’évier de la cuisine lui tendait, moins convaincue de visite en visite. La puberté venue, j’avais eu beau palper minutieusement le contenu de mon pantalon de pyjama tous les matins au réveil, si la nuit m’avait porté conseil, ça s’arrêtait là. Un jour le docteur avait dû se rendre à l’évidence.

– Hum ! Ce garçon joue au football. Si d’aventure il recevait le ballon dans les parties, il est indispensable qu’il en ait une de rechange en cas d’écrasement de l’autre. Je propose de commencer par une série de douze injections de gonadotropines. Ce sont là des hormones glycoprotéiques complexes agissant sur les fonctions des gonades.

Deux fois la semaine pendant six semaines, mes parents (et la femme de ménage si elle passait dans le coin) m’avaient plaqué au sol pour que le docteur puisse me shooter sans se prendre une ruade. Résultat mitigé. Les gonadotropines miracle avaient boosté ma production de poils aux mollets et multiplié d’autant mon activité masturbatoire mais las, ni sœur Anne ni personne voyait quoi que ce fût descendre d’où que ce fût. De cryptorchide avais-je été aussi sec promu ectopiste titulaire et le cluster morphosyntaxique « intervention chirurgicale »  articulé (avec la gravité bonhomme engendrée par une dizaine d’années de vivisection animale et autant de découpages de cadavres plus ou moins anonymes) par le pédiatre auquel le docteur avait fini par m’adresser, avec son salut confraternel.

Une semaine plus tard, en trois coups de scalpel et un solo d’agrafeuse, un interne de l’hôpital Bretonneau avait brillamment corrigé l’anomalie potentiellement cancérigène (car, on l’aura compris, c’était là le souci véritable de mon entourage) tapie dans le slip du petit footballeur. Comment ce héros anonyme aurait pu se douter que, pas loin de trois siècles plus tard, au fond d’un tunnel de lave martien urbanisé, évolution oblige, on reparlerait de l’ingénieux croisement de testicules auquel il s’était livré aux fins d’éviter que la couille descendue manu militari se prenne, dans un accès de nostalgie, l’envie de regagner les hauteurs abdominales ?

Donc ouais, Nivek Kuduort était en droit de ricaner : la gonade mâle dont la position centrale sur le corps humain (cf le logo Manpower by Leonardo da Vinci) la qualifiait pour abriter son nano-traceur contre les parasites électromagnétiques, bien que située à gauche en entrant, était historiquement celle de droite.

– Ok mais alors… Si, grâce à votre petit bricolage, c’est par les roupettes que votre beau-père me tient … Son implant à lui…

Kuduort hausse les sourcils et hoche plusieurs fois la tête.

– … À quoi sert-il ? Bonne question. Honnêtement, jusqu’à hier soir, Maître …

Korbehn fixe le plafond en soupirant. Il a vraiment du mal avec l’obséquiosité de son pote.

– Je vous aurais répondu : « à m’arracher à l’affection des miens et rien d’autre ! »

 

… rendez-vous demain pour le chap 34 : « Les joies de la famille »…