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« MARS 2221, roman » (chap 20, « Le récit d’Endymion (1) »

Plus je relis (et fignole au passage) « MARS 2221, roman », plus j’acquiers la certitude de me trouver devant un putain de bon bouquin. J’ai promis à une personne qui m’est chère de pas dire de mal de la majorité de mes collègues scribouilleur(e)s donc point ne procéderai-je par comparaison, laissant ce soin aux frères Goncourt toujours.

  1. Le récit d’Endymion (1)

  Quand Mme d’Avila débarque, nous signifiant avec tact mais fermeté que l’horaire des visites touche à sa fin, la maxi flasque de vodka est vide. Anthéa la remballe discret dans son sac à main avant de me faire un bisou, souhaiter bonne chance à mon compagnon de chambre pour son opération du lendemain et nous laisser seuls, lui et moi, à méditer devant nos plateaux repas. Vous allez pas le croire, c’est des raviolis.

– Pfff ! Même pas un coup de rouquin pour faire descendre !

Dégoûté, le centenaire repousse le plateau sur sa tablette de lit et se tourne vers moi.

– Écoute, gamin. Le professeur Troudemonkuk a beau se vouloir rassurant, mon fémur, il est bouffé aux mites.

Sa voix est un chouïa pâteuse. Il a pas dit non quand Anthéa lui a tendu la flasque, cet après-midi. À condition qu’elle l’appelle par son petit nom, Endymion. Au troisième shot, on se tutoyait tous.

– …Quant à mon palpitant, pas certain qu’il puisse encaisser une anesthésie générale…

– Sérieux, Endymion, t’as vu comment il tient la vodka, ton palpitant ?

– La vodka c’est naturel, mon gars. Contrairement à toutes les saloperies qu’ils nous injectent. Quand ils nous les font pas bouffer !

Nan les raviolis c’est pas son truc à l’adjudant-chef.

– …Bref, au cas où je reviendrais pas de la salle d’op’, vu que t’es la première personne sympathique que je rencontre sur cette putain de planète rouge, je te déclare officiellement mon légataire universel.

– Ton légataire ? Qu’est-ce que tu racontes, mec ?

– C’est comme ça, fais pas chier ! J’ai ma charge mais ça m’empêche pas d’être clair dans ma tête. Limite, si je sors vivant des pattes du Troudemon, tu me le rendras.

– Je te rendrai quoi ?

– Ce bazar, là… Mon arrière-petite-nièce ingénieure en astrophysique dit que c’est de la jarosite.

De la poche de son pyjama, il extrait une sorte d’hostie en cristal rougeâtre.

– Tiens, attrape !

Surpris, je rate la réception. Le « bazar » atterrit dans mon assiette encore pleine. Je le récupère entre le pouce et l’index et l’essuie avec ma serviette, intrigué.

– De la jarosite, tu dis ? Ça ressemble à du mica… De l’ambre plutôt… Avec plein de grains minuscules pris dedans… Où t’as trouvé ça ?

– Souvenir de Beinan. Soixante ans après, j’arrive toujours pas à croire que cette histoire de fou me soit arrivée pour de bon.

D’une voix absente, la vodka y est pas pour rien, l’adjudant-chef en retraite envoie le diaporama.

– J’étais à Taïwan depuis deux ans. Comme toujours en période de mousson, les communistes, occupés qu’ils sont à réparer leurs barrages vétustes et calmer leurs minorités religieuses, nous lâchent temporairement la grappe. Le major Fox m’avait octroyé une permission de trois jours. Bol-de-Riz-Gluant-au-Thon-Rouge était aux anges. Depuis le temps qu’elle voulait voir Taitung… Taitung c’est le St Tropez de la côte ouest taïwanaise. Le St Trop’ d’avant que la centrale du Tricastin fasse des siennes, je précise !

–  Curieux comme nom, « Bol-de-Riz-Gluant-au-Thon-Rouge ».

– Je te l’accorde. Sur l’île à une époque, pour attirer la clientèle, une chaîne de restos promettait un repas gratuit à quiconque dont le patronyme contiendrait les mots « Hóng jīnqiāngyú ». C’est le mandarin simplifié pour « thon rouge ». Comme en République de Chine, tu as droit à changer d’état civil trois fois dans ta vie, la gourmande avait pas hésité à renégocier son état civil en « Bol-de-Riz-Gluant-au-Thon-Rouge ». Bref on débarque à Taitung – un petit hôtel sympa avec piscine, sauna, court de tennis et tout – et bam, voilà que BRGTR est prise de maux de ventre. Au point d’aller se coucher direct… BRGTR et ses règles douloureuses! Si je te disais que c’est ça qui m’a fait me tirer à la fin… Ça et ses chlamydioses à répétition ! Ma parole, j’en étais arrivé à regretter Delph…

On toque à la porte. Je planque la rondelle de jarosite sous le drap.

 

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