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« MARS 2221 » (chap 19 : La tache sombre, suite et fin)

Je sais pas ce qui me fait dire ça parce qu’après tout ils sévissent pas exactement dans le même business mais le professeur Kembaçkuk, je le vois bien sous les traits de S. Freud. Et tonton Sigmund je le vois bien carburer à la c, surtout le dimanche.

 

résumé : mais pourquoi diable le professeur Kembaçkuk nous a-t-il fait passer un second TDM?

Kembaçkuk relève la tête et balaie d’un regard surpris la rangée de carabins dont il avait momentanément zappé l’existence.

– Jean-Baptiste, seriez-vous assez aimable, vous et vos camarades… Pour descendre à la boulangerie ? Je sens venir mon petit creux de 10.30 h. Et vous, jeune homme ?

La question me prend de court.

– Bah…

– Le meilleur boulanger de la Ferrière officie à deux pas du CHU. Vous auriez tort de ne pas en profiter. Jean-Baptiste s’il vous plaît, deux pains aux raisins de Corinthe pour monsieur et pour moi. Sur mon ardoise personnelle.

Tout le monde dégage. La porte refermée, Emma-la-Cigogne se fend d’un sourire las. Assorti d’un haussement de paupières qui en dit long sur l’estime dans laquelle il tient son public.

– Ils sont gentils, comme on dit…

Puis, quasi inaudible  :

– Pour autant, ils n’ont pas à savoir que nous portons un implant cérébral, n’est-ce pas ? Un « brain chip », comme on dit en zone étasunienne.

– Un …imp… lant cérébral ???

– Allons, allons ! Pourquoi tant de cachoteries à l’égard du bon professeur Kembaçkuk ?

Un chouïa vexé par le remontage de bretelles du toubib, Calmann-Lévy s’est muré dans un désintérêt total pour nos personnes. Le « bon professeur Kembaçkuk » n’en colle pas moins sa bouche (et son haleine fétide) contre mon oreille :

– Regardez ! … À la commissure hippocampique du corps calleux… Oui, là, dans le fornix… La tache sombre… J’ai d’abord pensé à une tumeur… Après tout, c’est en cherchant les Indes que Colomb a découvert l’Amérique. Ce n’eût pas été une première dans l’histoire de la médecine qu’un examen de routine révélât une affection systémique à traiter d’urgence… D’où ma décision de vous faire passer un second scan, centré sur la tache…

Mon air positivement ahuri commence à agacer l’homme de l’art.

– La tache qui s’est avérée être un brain chip. Ne faites pas l’enfant…

Il croit que je simule, c’est clair. Il essaie autre chose.

– Il n’y a pas de souci à porter un implant cérébral, mon vieux ! C’est même la grande mode, par les temps qui courent ! Surtout depuis qu’une équipe de neuro ingénieurs japonais a réussi à régler l’épineuse question de l’alimentation. La pile disgracieuse derrière l’oreille c’était pour nos grands-parents ! Ah ces Japonais ! Penser à utiliser l’énergie électro magnétique du cerveau lui-même…

Les yeux rusés aux blancs jaunâtres cherchent les miens.

– …Si je vous disais que depuis quelque temps mon épouse me travaille au corps pour… Non que ma virilité soit en cause mais au niveau de, comment dire, de… l’inventivité… de la fantaisie… la preuve est faite que…

Il  me gave avec ses confidences plumardières, le Kembaçkuk. Je hausse le ton.

– Écoutez, professeur, que ce soit pour améliorer mes performances aux JO de la feuille de vigne ou – je sais que ça se pratique également en artisterie – barbouiller des endivarolades à la chaîne ou – puisqu’il m’arrive d’écrire – répondre aux exigences de nouveautés malsaines  d’un lectorat plus pathétique de jour en jour, jamais dans ma vie, au grand jamais, j’ai eu recours à un implant cérébral !!! C’EST CLAIR ?

– Pas si fort s’il vous plaît !

Refroidi mais sans abandonner le terrain il me bafouille une info apte selon lui à expliquer la présence de l’implant mystérieux.

– J’ai ouï dire que, dans certains services – dieu merci cela n’est jamais arrivé ici, nous prenons toutes nos précautions en ce sens – il ait pu advenir qu’un patient marqué par le destin entrât au bloc pour une appendicite et en sortît hem… avec un bras en moins… Pourquoi pas un implant cérébral en plus ? Essayons de nous souvenir, aurions-nous, par hasard, à un quelconque moment de notre existence, subi une intervention chirurgic… ?

Toc toc ! La porte de la chambre s’est ouverte, mettant fin à l’interrogatoire. Anthéa !!! C’est vrai qu’on est dimanche ! Et que le dimanche aux Jardins c’est repos ! Wallalluhiachem Shaktiwang ! On va enfin pouvoir passer une journée ensemble !

– Qu’est-ce qui t’arrive lapin ? C’est toi que j’entends brailler depuis l’ascenseur ?

Kembaçkuk s’éjecte de mon pieu pour s’incliner galamment devant la visiteuse.

– Mes respects, Mademoiselle ! Votre ami manifestait sa joie d’apprendre que sa sortie est désormais parfaitement envisageable. D’ailleurs je m’en vais vous laisser fêter cela avec lui.

Arrivé à la porte il se ravise.

– …Après un dernier examen de routine, cependant… Il est indispensable de nous assurer du recouvrement à 100% de nos circuits mnésiques.

 

… à suivre et comment ! Chap 20, “Le récit d’Endymion (1)”…