« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 6 : Un gros dodo)

Pendant qu’à l’ONU Jobidin et le morveux mettaient au point leur numéro de claquettes et que, partout dans le monde, la Shoah des Animaux battait son plein, j’ai eu le président du Goncourt Boys’ Band en visio. Il a pris un coup de vieux. Sinon il m’a confirmé que chez eux, le cl de graisse de patte dépassait largement mon budget de loser. Bah la gloire attendra. Dommage pour l’Amicale des Libraires Indépendants de leur Volonté qui, leur regard perdu pour la bonne littérature soudain aimanté par l’imparable bandeau rouge, auraient été obligés, cette fois, de parcourir au moins quelques lignes de « MARS 2221, roman »  avant de s’en bricoler dare-dare une pile d’attrape-couillons toujours bonne à écouler en ces temps difficiles.

Couac il en soit, sachez bien, très chers fyreux, que je m’auto congratule au quotidien de relire ce banger avec vous. Et surtout croyez pas que je charbonne de fou pour vous le faire pécho. Vous me verriez chokbar de baisé de croire une chose pareille.

 

Dans l’épisode d’aujourd’hui, au sortir de la messe nos héros s’en vont chercher du boulot.

 6.Un gros dodo

La rampe au fond de la cave-atelier débouche sur la sente du Rognon (en arrivant à l’église, vue de l’extérieur, j’avais trouvé la grille vachement haute et large pour une bouche d’égout). Le rabbi manie son camtar faut voir comme. On cueille le périph’ au bout de la rue des Nébuleuses. La circulation est fluide, on est vite Porte Guillaume Bigourdan. Au péage de l’Interloop, le rabbi passe la tête par sa vitre baissée.

– Un aller-retour La Ferrière s’il vous plaît mon fils.

Le sigle de la Foi Universelle sur le carénage retient l’attention de l’andro encaisseur.

– On descend aux Jardins faire sa provision de légumes frais, rabbi ? Un instant, je vous programme.

Interloop et underspeed fonctionnent sur un même principe, savoir un tube à basse pression à l’intérieur duquel circulent des capsules à propulsion électromagnétique. L’underspeed, entièrement équipé et contrôlé par le MTA (Mars Transit Authority), dessert les zones urbaines et péri urbaines. Ses modules en colliers le font ressembler à un embrouillamini de ténias adeptes de l’auto-fellation. L’Interloop quant à lui, considéré les distances qu’il couvre et le fait qu’il soit ouvert à tout véhicule individuel répondant aux normes martiennes, fait figure de tissu autoroutier. À noter que son creusement et sa gestion sont confiés à des entreprises privées qui s’en mettent plein les fouilles au passage. Rien de nouveau sous le soleil martien.

L’andro pianote la destination du camion sur son clavier puis, ayant rappelé les consignes de sécurité à son conducteur, actionne l’ouverture du sas. On se pose comme une fleur sur le rail-bretelle. L’arrimage automatique ne prend que quelques secondes, checké depuis sa cabine par l’andro qui, satisfait, souhaite bonne route au rabbi et à sa passagère puis le véhicule glisse lentement jusqu’au rail principal. Le temps pour l’IA du péage d’insérer le camion dans le flux serré du trafic et nous voici taillant la route vers la Vendée Nouvelle.

L’arrière du suppositoire est plus spacieux que j’aurais cru. C’est pas le grand confort non plus. Deux banquettes latérales dont le rembourrage a connu des jours meilleurs. Anthéa, assise à côté de moi face aux autres, me surveille du coin de l’œil. Elle me sait claustrophobe. Qu’il en soit remercié, dans son placard ambulant le rabbi a eu la bonne idée d’installer un écran. Relié à une caméra fixée en haut du pare-brise de l’habitacle il permet de voir ce qui se passe sur la route. Les parois du tunnel se mettent à défiler de plus en plus vite dans le phare du camion, jusqu’à atteindre une vitesse de croisière impressionnante. Sur le rail d’en face ça circule pas mal aussi, à en juger par toutes ces lumières qui se précipitent vers nous. Anthéa disait vrai pour le roulis. Le bercement d’enfant sage de l’underspeed c’est que dalle en comparaison.

– Comment ça se passe derrière ?

Bruno B. se fend la gueule, l’enfoiré. Sa voix a du mal à se faufiler entre les basses du lecteur de CD maximum volume et le crépitement incessant de la pluie sur les vitres. Les éclairs déchirent la nuit, devançant chaque fois d’une demi seconde les craquements apocalyptiques d’un orage d’été qui nous lâche pas depuis qu’on a quitté Étampes.

 

à suivre