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« MARS 2221, roman », texte intégral (chap 7 : la PMAL)

 

On se tue à vous le dire ! Bon ce matin j’ai pas le temps de lâcher une nouvelle gerbe sur la politique étrangère d’Israël, le petit état courageux qui fait que se défendre contre les femmes et les enfants de ses méchants voisins – hein BHL de poulet ? – ni sur les viandards candidats au cancer du colon. On passe direct à “ MARS 2221, roman ”  !

   7. La PMAL

Me dites pas que vous rêvez pas. Tout le monde rêve. Seuls 0,38% de fortes têtes prétendent le contraire. Ils auraient, paraît-il, un problème d’« encodage du souvenir à la sortie du sommeil paradoxal ». Quant aux Parkinson, prophètes, rockstars, présidents de la république et assimilés c’est autre chose, ils vivent leurs rêves. Le verrou de sécurité entre leurs pensées et leurs actes a sauté. Le chirurgien Poutine était formel : mes « remontées hippocampiques » à moi, comme il les avait baptisées, ressortaient pas du domaine du rêve. Pas même du rêve éveillé. Du « déjà vu » à l’extrême rigueur, sachant que les recherches menées sur ce phénomène souvent lié à l’épilepsie eussent démontré son absence de rapport avec les aires impliquées dans la mémoire. Nan, selon Poutine, il fallait chercher ailleurs. Un jour il m’avait fait part de sa théorie, me concernant.

– Je dirais qu’en son temps le docteur Legrand a péché par excès de zèle. Soucieux de faire remonter vos souvenirs dans leurs moindres détails, il a en quelque sorte surcompensé vos facultés mnésiques, d’où ces incursions intempestives de votre vie passée dans la présente.

« Excès de zèle » mon cul. Les lecteurs d’Hippocampe Twist savent très bien que l’empressement de Legrand à me remuscler l’hippocampe s’expliquait avant tout par sa volonté obsessionnelle de me faire régurgiter les modalités exactes de la chute de l’étagère. Non content de monnayer mes souvenirs intimes, ce pourri s’était mis dans le crâne de récupérer la formule du « cri du blé ».

– Suite au traitement particulièrement hem… efficace… du docteur Legrand, en contexte de tension ou de stress, que les circonstances extérieures en viennent à présenter une similitude marquée avec une situation dont vous avez gardé l’empreinte mémorielle et vous « basculez ». Vous troquez la réalité objective  contre le fantasme parallèle induit.

Chaque fois que Poutine parlait de « réalité objective », un drôle de sourire laissait entrevoir ses dents jaunies par le tabac. Lui, c’était pas l’étagère qui l’intéressait mais mon nez. Il passait son temps à l’étudier en long, en large et en travers, mon tarbouif. À le radiographier, le scanner, l’imprimer en 3D à différents moments de la journée, continuant à me donner du « Maître » par-ci, du « Maître » par-là.

Les doigts d’Anthéa font des tournicotis avec mes cheveux. Comme s’ils frisaient pas assez comme ça, mes poils de tête ! Je le lui dis. Elle se marre. Nous sentons le camion ralentir. Jusqu’à glisser au pas sur le monorail. On arrive à un nouveau péage. S’ensuit une manip inverse de celle de tout à l’heure. Un volet se lève et le fourgon reprend sa liberté. Nous naviguons de nouveau à un mètre du sol dans un tunnel à deux voies. Soudain dans la lumière du phare, un panneau indicateur : « La Ferrière, 1,5 kms ».

La voix du rabbi nous parvient, plus lasse que jamais. Les trois heures de route non stop y sont pour quelque chose.

– Rassemblez vos affaires, mes amis. Dans cinq minutes je vous largue devant les Jardins.

 

…à suivre dès demain…