Entretiens avec Léon

L’hiver ne semblant pas décidé à finir de nous pisser sur le museau, je dédie à cèlzéceux qui n’ont pas les moyens d’aller faire les bouffons dans les couloirs d’avalanches, ces Entretiens avec Léon. Bonne lecture!

Mon grand-père, la Bible et moi

-Salut Franck.
-Salut Léon.
-Pourquoi t’écris plus de chansons?
-Tu me poses une colle. Je saurais pas dire. Peut être que c’est pas la saison…
-Mais t’envisages d’en écrire d’autres, un jour?
-Pourquoi pas…
-Bon et Les Aventures de Moïse, qu’est-ce qui t’a donné l’idée de te lancer dans ce truc?
-Ah alors ça, ça remonte! Ca remonte à mon grand-père maternel. Celui qui, à quatre-vingts ans passés, depuis la chaise de jardin qu’il ne quittait plus souvent, m’a enseigné l’art subtil du patin à roulettes. Et pourtant, de sa vie, il n’avait jamais pratiqué…Pas grave : d’après lui, et c’était une formule applicable à quelque apprentissage que ce soit, il suffisait de vouloir et si, en plus, on se donnait la peine de réfléchir cinq minutes au pourquoi du comment de l’exploit à accomplir, on avait toutes les chances de réussir son coup. Sachant qu’en suivant ses précieux conseils il ne m’avait pas fallu longtemps pour patiner comme un boss, pourquoi aurais-je mis en doute le bien-fondé de sa lecture plus que négative de la Bible? De l’Ancien Testament, plus exactement…
-Tu savais faire la différence entre les deux ?
-A l’époque non…
-Tu avais quel âge ?
-Six ou sept ans.
-C’est pas un âge pour les grands débats théologiques, ça !
-Ni quatre-vingts pour le roller…Cela dit, Les Aventures de Moïse ne s’intéressent à la superstition juchrémane que sous son aspect culturel, voire socio-économique. Contrairement à mon grand-père, je ne me suis jamais senti particulièrement offusqué par les scénarios, pourtant nauséabonds, qui font du plus vieux livre du monde occidental le plus vieux catalogue des perversions homo sapiennes recensées à ce jour et de la pseudo divinité maniaco-dépressive qui leur sert de fil conducteur un des cas d’école les plus aboutis du genre.
-En gros, ce qui te gêne dans l’histoire c’est plus l’ivresse que le flacon…
-Exactement. Tu comprends, à travers le dieu de nos trois petits cochons -Abraham, Jésus et Mahomet- parce que c’est le même, à une fréquence d’apparition sur nos écrans d’exactement six siècles – j’insiste bien là-dessus également – mon aïeul, lui, il avait un contentieux à régler avec les Jésuites. Tout gamin, issu d’un milieu plus que défavorisé et démontrant néanmoins un goût et une aptitude prononcés pour les matières enseignées à l’école de son village, il s’était vu proposer par ces braves gens un deal fort habituel à l’époque : « on t’apprend la grammaire et le calcul mental et, en retour, tu te fais curé ».
-Aujourd’hui on dit « win win »…
-Sauf qu’il avait réussi in-extremis à s’éclipser du séminaire avant de se faire ensoutaner à perpète ! Cela dit, ses relations avec ses mentors n’avaient pas dû être au beau fixe tous les jours et, à quatre-vingts balais le répertoire sado-maso des hommes en noir lui restait toujours en travers de la gorge. Au point qu’il parlait souvent d’écrire quelque chose à ce propos. Hélas, il est mort avant d’avoir pu mettre son projet à exécution.
-Alors tu t’es dit que tu pourrais peut-être lui servir d’exécuteur testamentaire…
-Genre… Une façon comme une autre de lui renvoyer l’ascenseur, rapport au patin à roulettes. Sauf que perso, n’ayant jamais eu à subir dans ma chair les pratiques lobotomisantes des allumés du crucifix, j’avoue que la lecture des sanguinoleries incestueuses, scrupuleusement décalquées sur des albums de mickeys plus anciens, égyptiens pour la plupart, et plaisamment compilées par les managing partners juifs des origines dans un recueil appelé Torah, transcrit de l’hébreu en grec pour donner le Pentateuque puis du grec en latin sous l’appellation plus ou moins contrôlée d’ « Ancien Testament », m’a, du moins au début, surtout fait l’effet d’un puissant somnifère. Sinon d’une farce de mauvais goût : Noé à poil sous sa tente en train de passer sa crise de délirium sur son pauvre fiston venu à la rescousse, avant de se venger bassement sur lui et sa descendance d’une gueule de bois pourtant amplement justifiée, fallait y penser ! Ou papa Loth en train de grimper ses fifilles à lui histoire de sauver une branche ou deux d’un arbre généalogique menacé par la sécheresse !
-On dirait du Jerry Bruckheimer !
-Ou du Donald Bellisario !
-Ou du Dick Wolf !
-Ah ça ! Ca m’a coûté cher en caféine. Mais ma persévérance a fini par payer. A la deux ou troisième relecture de la Genèse, j’ai fini par comprendre que, à travers l’espèce de polar bien crade qui avait heurté la sensibilité de mon grand-père comme celle de millions d’autres personnes avant lui mais à qui on avait interdit de le crier sur les toits, se profilaient les règles d’un jeu de société parfaitement huilé, directement inspiré du règne animal.
-C’est sûr que pour sacraliser le principe de domination des uns sur les autres, y avait pas besoin de se rancarder auprès des bâtisseurs de pyramides…
-Ni auprès des instigateurs de quelque superstition que ce fût ayant précédé le délire juif et les deux adaptations ad hoc qui lui ont emboîté le pas. Je l’ai déjà dit, toute croyance religieuse – mais je préfère dire « superstition », question d’acuité étymologique – est, par essence, une catastrophe humanitaire aboutissant d’une façon ou d’une autre au gommage du moindre détail susceptible de nous différencier des espèces animales les moins recommandables.
-C’est sûr que le sens de la solidarité est nettement plus affirmé chez les abeilles…
-Ou les termites, dont les activités se rapprochent plus des nôtres…
-Bon mais puisqu’il n’y a pas une superstition qui vaille mieux qu’une autre, pourquoi s’en prendre aux Juchrémans ?
-Tout bonnement parce que, non seulement le devoir de domination du « peuple élu » sur l’ « étranger » se trouve clairement affirmé par leur dieu créateur supposé mais, en prime et c’est ce qui fait toute la différence avec les autres mickeys , cet espèce de François Langlet céleste leur donne la recette pour parvenir à la dite domination. Une recette résolument moderne, non exclusivement basée sur les cassages de gueule et autres génocides de rigueur chez tout superstitieux soucieux de bien faire. Selon l’Eternel Yavallah, un étranger mort est un étranger qui ne rapporte plus. Alors qu’un étranger à qui on prête des sous…
-Et Dieu créa la dette !
-Balèze, non ? Et tellement d’actualité ! A la différence de tous les autres escrocs, issus de cultures qui ne se gênent pas pour se livrer à la même arnaque, le Juchréman moyen la revendique comme sacrée ! Inventée par le Grand Barbu soi-même tel que cité par Moïse (Deutéronome 15.6) ! Dès lors, si tu oses penser qu’à quelqu’un qui te dépanne d’un euro tu ne dois rendre qu’un euro, t’es rien qu’un chien d’infidèle ! Autrement dit, un bon juchréman (avec une restriction pour les musulmans qui se démerdent autrement pour arriver au même résultat) doit admettre que l’argent s’achète, comme un kilo de farine ou une douzaine d’œufs.
-Et, si j’ai bien compris, que son prix d’achat dépend de l’ADN de l’acheteur ?
-Exact. « Tu presseras l’étranger mais tu ne presseras pas ton frère. » ! Pour les cousins faut voir…