« …excusez moi, bien à vous »
Michel Onfray à Franck-Yvon Richard, le 15 juillet 2014
Comment ne pas terminer ce rapide survol des principes éducatifs selon Moïse et ses followers sans prononcer les mot magiques dont le pouvoir absolu a causé tant de malheurs et fait couler tant de sang et de larmes ?
Avec ses 574 entrées pour le substantif « bien » et 394 pour celui de « mal », on peut considérer la Bible (Ancien et Nouveau Testaments confondus) comme un des « all time bestsellers » les plus préoccupés de « morale » (du latin moralitas, « façon, caractère, comportement approprié »).
Bizarrement toutefois, c’est suite au non-respect du divin interdit de goûter au fruit qui permettait de distinguer le bien du mal qu’Adam et Eve furent expulsés du jardin d’Eden avec, à la clé, la perspective moyennement alléchante de passer l’arme à gauche au terme d’une vie de dur labeur :
Genèse 2.17
« …mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras »
Un bien pouvant en cacher un autre, fort de ses 104 entrées bibliques, le mot « biens » ne se différencie de son illustre homonyme que par une désinence plurielle à ce jour inexpliquée.
Quant au sens à donner à ce terme, il n’est que de comparer l’un à l’autre les versets :
Genèse 13:6
« Et la contrée était insuffisante pour qu’ils demeurassent ensemble, car leurs biens étaient si considérables qu’ils ne pouvaient demeurer ensemble. »
et:
Genèse 36:7
« Car leurs richesses étaient trop considérables pour qu’ils demeurassent ensemble… »
…pour ne pas hésiter une seconde à additionner les 80 entrées de « richesses » à celles de « biens » et, ce faisant, obtenir un score encore plus significatif de l’importance accordée par Yahweh et ses zélateurs à la matérialité des choses.
Si les Juifs et les Chrétiens avec, pour ces derniers, une bonne dose d’hypocrisie supplémentaire, au moins jusqu’à l’avènement du calvinisme qui réhabilite ouvertement le principe du prêt à intérêt (mollement) combattu par l’Eglise, montrent très peu d’empressement à faire fi des »biens » de ce monde, les sympathiques injonctions du prophète de la seconde filiale d’Abraham & Fils ne laissent aucun doute non plus :
Coran [2:180] La vache (Al-Baqarah) :
« On vous a prescrit, quand la mort est proche de l’un de vous et s’il laisse des biens, de faire un testament en règle en faveur de ses père et mère et de ses plus proches. C’est un devoir pour les pieux. »
Partant, est-ce de nouveau exagérer que dire que, tout en faisant vœu de pauvreté à tous les étages, l’éducation abrahamique établit plus souvent qu’à son tour un rapport, sinon de cause à effet, au moins de connivence marquée, entre LE « bien», notion morale, fondement de l’éducation biblique en tant qu’opposé au « mal », et LES « biens » de papy-mamy à pas laisser au voisin, ce serait ballot.
Si oui, alors ce chapitre est exagérément intitulé « Moïse, ministre de l’Éducation Nationale» et c’est exagérer encore de prétendre que, depuis deux millénaires et demi, les malheureux homo sapiens-sapiens se voient transmettre par leurs rabbis, curés, oulémas et autres maîtres de chapelle, la certitude que s’enrichir et donc, appauvrir l’autre, c’est à la fois glorifier Dieu et recevoir la preuve tangible d’être dans Ses petits papiers.
Aux antipodes de ces encouragements au lucre et à la domination aux siècles des siècles, tels que nous les exagérons, Emmanuel Kant avec lequel je me propose de conclure sur une note plus optimiste et qui donnerait, si nos éducateurs daignaient en tenir compte, presque envie de retourner à l’école :
« Un principe de pédagogie que devraient surtout avoir devant les yeux les hommes qui font des plans d’éducation, c’est qu’on ne doit pas élever les enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après un état meilleur, possible dans l’avenir, c’est-à-dire d’après l’idée de l’humanité et de son entière destination. »
(à suivre : Moïse plaide coupable )