une grosse honte au cul

Hier, en relevant le courrier du site, je suis tombé en arrêt devant le message de Mékontan qui, comme on dit chez les intellos à deux balles, m’a « interpelé ». Interpelé grave.

Eh bien oui, j’en conviens aisément: puisque les comptes d’apothicaire de l’état civil me rangent parmi les post soixante-huitards triomphants, si j’avais le moindre « esprit de génération » j’en concevrais une grosse honte au cul.
Combien de marins, combien de capitaines, combien de jeunes chevelus toussotant sur leurs joints roulés à la hâte dans des chiottes de lycée redécorées aux couleurs de la révolution prolétarienne ont très vite rejoint et si souvent dépassé leurs co-disciples du premier rang – dont ils fustigeaient pourtant le fayotage intensif auprès des préposés à la culture du fric communément appelés profs – dans la course de rats à laquelle ils avaient pourtant juré de ne jamais prendre part.?

J’en viens alors à me demander si les sympathiques jeunes écervelés exhibitionnistes de leur argent de poche que l’on voit aujourd’hui folâtrer ça et là, sur fessebouc ou ailleurs, copies conformes de ceux qui, du temps de ma folle jeunesse, finissaient déjà de percer leurs derniers furoncles acnéiques en se gargarisant de déclarations d’un égoïsme infantile qu’ils eussent voulu provocant ( les pauvres mecs! ), ne sont finalement pas moins dangereux pour leurs congénères, toutes époques confondues, que certains zorros d’un jour qui n’attendent même pas le lendemain pour se transformer en sergents garcias, reniant d’un claquement de doigts graisseux les principes de justice sociale et d’égalité économique seuls passibles de nous faire quitter la préhistoire de l’humanité.

Oui, une grosse honte au cul quand je passe en revue, comme on compte les moutons pour s’endormir, les noms des quelques ex-rebelles au système que j’ai connus et dont l’intransigeance de l’époque n’a d’égale que leur empressement d’aujourd’hui à se comporter en dignes chefs de service, voire d’entreprise qui, au nom d’un sacrosaint « chiffre d’affaires », n’hésitent pas une seconde à sous-payer leurs employés et, bien sûr, par les temps qui courent, à les virer tranquillement en cas de besoin, eux et leurs sacs-à-dos de crédits de bagnole, baraque et autres machines à laver la vaisselle que ces braves couillons se sont mis sur le dos avec la bénédiction de leurs banquiers véreux, en compagnie desquels j’ai la même grosse honte au cul d’avoir dévoré les rabs de frites du réfectoire. On ne disait pas encore « parts de marché ».

Vaisselle? J’ai dit « vaisselle »? Comme c’est bizarre!
Et si, pour une fois, ce mot ne sonnait pas comme une corvée, mais plutôt comme une nécessité joyeuse?
Joyeuse et vitale…